Personnage atypique du cinéma français, Michel Deville a à peu près tout tenté dans la réalisation de films.
Il fut longtemps le premier assistant de Decoin, ce qui lui conféra une grande maitrise technique et une parfaite gestion des interprètes.
Après avoir tenté les films humoristiques, historiques, d’adultère, il se lance en 1978 dans l’adaptation d’un roman d’espionnage paru en 1969, et réputé inadaptable « le dossier 51 ». Gilles Perrault avait écrit un roman assez génial quant à la forme, puisqu’il se présentait comme une succession de rapports administratifs sur un personnage, sans qu’apparaissent jamais les protagonistes. Comment traduire cela dans un film, genre éminemment visuel ?
Plusieurs réalisateurs tentèrent l’aventure de la réalisation, mais soit qu’ils abandonnèrent l’entreprise eux-mêmes, soit qu’aucun producteur ne consentît à financer l’entreprise, tout cela resta dans les cartons. Deville parvint à convaincre Toscan du Plantier, et avec le concours de l’auteur, signa une adaptation extrêmement maligne. Pour traduire la pluralité des rapports, Deville a recours à une vision subjective des différents intervenants dans l’enquête. On ne voit quasiment jamais leur visage, si ce n’est fugitivement dans un miroir.
La motivation de cette entreprise est de retourner un diplomate français, membre d’une organisation internationale de financement, moyennant une manipulation fondée sur la vie privée.
On assiste à l’examen successif de différentes pistes, dont plusieurs ne mènent à rien, ce qui provoque des dissensions entre les services, et occasionne des moments assez humoristiques, qui tranchent avec l’austérité de l’ensemble.
Même si le contexte technologique et sociétal a changé, la virtuosité de la narration perdure et confère à ce film le statut d’un des meilleurs films d’espionnage jamais réalisé.