Les tirades sentencieuses, voire boursouflées du film sont directement importées d’un roman éponyme de Drieu La Rochelle, que je n’ai guère envie de relire à l’issue du visionnage de cette œuvre étrange de Louis Malle.
Maurice Ronet dégage quelque chose de très troublant, il incarne avec force une forme de vertige, une vie brisée que son personnage tente de fuir, n’ayant plus le refuge de l’alcool — dans le roman, c’est l’héroïne si je me souviens bien.
Une fois désintoxiqué, il sort de sa clinique versaillaise pour se rendre à Paris, où il fait le tour de ses connaissances de débauche, à qui il assène des propos inquiétants. Rien, il ne peut rien prendre, rien saisir qui lui donnerait le goût de la vie.
(Je résume, c’est très répétitif.)
Aucune des solutions existentielles que représentent ces anciens amis, ces anciennes maîtresses — le savant spécialiste de l’Égypte antique, les amis toujours camés, la vie de famille… —, aucune n’a l’heur d’éloigner le personnage de son projet de suicide, dont il est évident dès le début qu'il marquera la fin du film.
(L’addiction étant évidemment un suicide au long cours.)
En somme, il s’agit d’une tournée des adieux : Alain prend congé de la vie.
On sait que le pilotis du personnage d’Alain Leroy était le poète surréaliste Jacques Rigault, ami de Drieu, et qui s’est suicidé très jeune. Ici foin de surréalité : la banalité d’un réel insoutenable pour Alain, voici l’enjeu du film, ce qu’il exprime, et qui pose un défi de représentation évident.
En effet, comment porter à l’écran ce dialogue incessant avec soi-même, les jugements qu’Alain Leroy porte sur sa vie, sinon par le spectacle d’une attitude dépressive, que souligne le ton légèrement buté et désaffecté du personnage ?
C’est à la fois l’enjeu et la limite du film : tout cela est très ennuyeux, et si j’ai été pris d’admiration devant la photo, sublime, c’était surtout pour prendre mon mal en patience. Le pathétique du personnage, sa marche à la mort, ne suscitaient rapidement plus en moi la moindre émotion, sinon lassitude voire agacement. La faute pour commencer aux tirades mentionnées précédemment, qui confinent souvent à une emphase quelque peu ridicule. Et au sentiment de vanité confuse que dégage le film, d’une manière générale.
Quel dommage. Ce Feu follet est pour moi l’exemple même du beau film raté, un film emporté par sa propre insignifiance. De mon point de vue, Leroy lui-même est tout simplement un raté, qui se gargarise de grands mots pour exprimer un "personne ne m’aime, je n’aime personne" assez lassant. Son destin m'est rapidement devenu assez indifférent.
Drieu comme Louis Malle ne furent eux-mêmes pas exempts d’un fort penchant suicidaire. Leurs œuvres doivent peut-être être considérées comme une tentative de conjurer cette tentation.
En dehors de cela, je peine à trouver un sens à ce que je viens de voir.