Deuxième étape de ma rétrospective King Kong avec cette suite directe du film original : Le Fils de Kong.


Une suite directe dans tous les sens du terme puisque dévoilée au public à peine 8 mois après la sortie – couronnée de succès – de son prédécesseur King Kong (aux USA du moins : en France, cette suite ne déboulera dans les salles obscures que quarante ans plus tard !). Hélas, ce Fils de Kong pour le moins précipité ne connaîtra pas le destin prestigieux de son aîné. Et pour cause : cet infortuné rejeton fut en réalité saboté d’entrée de jeu. Galvanisés par le carton commercial de King Kong en avril 1933, les pontes de la RKO – que ce succès a permis de renflouer – se sont empressés d’en commander une suite (comme quoi la manœuvre ne date pas d’hier), dans l’idée de la sortir pour le Noël suivant.


Une sortie précipitée donc, en outre assortie d’une volonté de ses producteurs de faire de cette suite un film plus kids-friendly afin de ratisser plus large… et d’un budget deux fois moindre que le premier volet ! A partir de là… le film était baisé d’office. On pardonnera donc à Merian C. Cooper d’avoir pris la tangente (précisons tout de même que l’homme reste crédité producteur exécutif – pour ce que ça veut bien dire) et laissé son collègue Ernest B. Schoedsack assurer (et assumer) seul cette suite. Ce dernier put tout de même compter sur les talents d’animateurs de Willis O'Brien – artisan non négligeable de la réussite du premier opus – et sur le retour d’une poignée d’acteurs ; mais le projet était hélas certainement trop vicié pour que l’espoir fut permis.


Sans surprise, ce Fils de Kong s’avère ainsi une franche déception. Et un crève-cœur à deux titres.


Déjà, le film a cela de triste que ses conditions de production se ressentent vraiment à l’écran. Je les ignorais en réalité au moment de lancer le DVD (oui monsieur) du film mais force est de constater qu’elles sautent aux yeux : le film a beau ne durer que 67 minutes (soit une demi-heure de moins que l’original !), l’exposition traîne énormément – pour finalement s’avérer plus longue que la partie sur l’île ! Ce n’est en effet qu’au bout de 40 minutes que les personnages débarquent enfin sur l’île du Crâne et y rencontrent le jeune Kong. Il ne reste alors que 25 minutes de film… heureusement consacrées au fameux Kong (dont le prénom aurait pour la prod été Kiko, sans qu’il ne soit jamais communiqué ni dans le film ni dans la promo) et autres monstres géants (ce pourquoi on est là, en fait).


Alors certes, la première partie du film se regarde sans déplaisir : on est content de retrouver le personnage de Carl Denham (Robert Armstrong, toujours) et les deux seconds rôles que sont le capitaine Englehorn et le cuisinier chinois (qui est nommé ainsi au générique – y’a pas de respect)… à défaut de retrouver ceux de Jack Driscoll et Ann Darrow. Cette dernière est bien remplacée par une nouvelle nana, Hilda, mais je dois bien avouer que la tête de Helen Mack ne me revient pas trop… Fay Wray était bien plus mignonne. Enfin qu’importe. Je ne suis pas là pour la fille mais pour le singe (une phrase à ne pas sortir de son contexte) !


N’empêche que si cette première moitié se regarde tout à fait gentiment, le compteur tourne… et que l’on en vient à se demander ce qui cloche : pourquoi cette suite, qui dure à peine plus d’une heure, prend-elle autant son temps pour débarquer sur l’île du Crâne ? Ne va-t-il donc rien s’y passer ?


Eh bien presque… il ne reste plus que 25 minutes lorsque l’on rencontre enfin le fillot Kong. Dont on est d’ailleurs invité à accepter l’existence sans se poser plus de questions : pourquoi le paternel ne s’en est-il jamais préoccupé dans le premier film ? Et qui peut bien être sa mère ? Cette dernière s’est-t-elle fait whited, pour que son fils soit si blanc ? A moins qu’il ne s’agisse d’un albinos ? Nous ne le saurons jamais… bien que les deux hypothèses pourraient en ce qui me concerne justifier de manière satisfaisante le rejet dont aura fait preuve le père dans le premier opus.


Reste que ce Kong junior s’avère une sacrée victime… là où son père apparaissait comme un gorille surpuissant et maître de l’île, son lardon est lui un modèle réduit (seulement 4 mètres – une putain de crevette, tu l’as dit), globalement très gentil… et rigolo. Faisant régulièrement des mimiques d’ahuri – évidemment assorties de bruitages cartoonesques –, le personnage n’inspire absolument jamais la crainte. Le môme Kong est gentil. Il est là pour amuser les enfants – et surtout pas les impressionner ! Il est à ce titre intéressant de comparer sa scène d’introduction à celle de son père : là où le premier faisait peur aux personnages en présence, celui-ci leur fait pitié. Le pauvre chou est en effet coincé dans un marécage et a besoin d’un coup de main pour s’en sortir !


Ceci fait, le personnage va ensuite enchaîner pendant vingt minutes les combats – édulcorés – contre des méchants monstres et les scènes amusantes censées le rendre éminemment sympathique auprès du jeune public. Boarf… mais alors que je m’étais à peu près résigné à ce changement de ton, le film déclenche soudainement son climax express et offre à la bête une conclusion vachement cruelle et surprenante.


Je suis du coup très embêté : j’aurais vaguement pu défendre cette suite beaucoup plus légère et enfantine – préfigurant le futur Monsieur Joe du même Schoedsack – sans cette conclusion rushée et impitoyable ; mais celle-ci ruine à mon sens le peu qu’avait jusque-là construit le film. Ne reste alors plus que la suite au rabais, avec moins d’indigènes, moins de dinosaures (moins réussis par ailleurs), moins de Kong… moins de tout, en fait. Ce Fils de Kong, sensiblement moins généreux et impressionnant que son prédécesseur, visiblement bâclé voire carrément torché (certains décors construits pour le film n’auraient finalement même pas été utilisés afin de pouvoir tenir le calendrier de sortie) apparaît en fin de compte comme une franche déception. Une suite au rabais et un gros gâchis plus qu’autre chose qui laisse vraiment un goût amer en bouche. S’il ne s’agit clairement pas du pire film de la franchise – loin s’en faut ! –, il s’agit assurément du plus décevant et du plus frustrant.


Le succès timide du film scellera en tout cas l’embryon de franchise pour plusieurs décennies. Et explique pourquoi le remake du film original en 1976 n’aura pas pour suite un remake de ce Fils de Kong mais bien une suite inédite. Qui sera finalement encore pire, mais c’est une autre histoire…

ServalReturns
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le 2 déc. 2021

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