Il arrive parfois, qu'à la lecture d'un livre, d'une pièce, qu'à la vision d'un film ou d'un dessin animé, un personnage nous suive pour une raison que nous ne nous expliquons pas. Comme une forme d'obsession, de fantasme. Ce sentiment, je suis en train de le vivre depuis quelque semaine avec le personnage d'Antigone.


Alors hier, quand j'ai regardé le Fils de Saul, quelle ne fût pas ma surprise de voir dans ce héros tragique, le pendant masculin de la jeune Antigone. En effet, tous les deux ont la même quête, le même objectif, à savoir permettre à un mort d'être enterré dans la dignité et avec les sacrements religieux auquel il a droit. Saul, pendant tout le film n'a de cesse de chercher un Rabbin afin que le jeune garçon puisse être enterré de façon religieuse plutôt que d'être disséqué et brûlé comme les autres.... De la même façon, Antigone en recouvrant le corps de son frère de terre l'empêche d'être dévoré par les vautours et les chiens. Tous les deux défient l'autorité en place pour accomplir un acte sacré. La comparaison est peut être fragile, mais elle est à mon sens signifiante. Au-delà d'un enterrement, c'est un système politique qu'ils remettent en cause à travers cet acte d'apparence anodin. Antigone connaît le châtiment qui l'attend à savoir la lapidation, de la même façon, Saul n'ignore pas qu'il risque sa vie et celle de ses compagnons d'armes si le cadavre est découvert. Mais en se plaçant du côté des morts, ils font paradoxalement preuve d'une très grande et très forte humanité. Ils refusent que ces cadavres soient jetés en pâture et traités comme de la viande. Dans le fils de Saul, on pourrait se demander quelles sont les raisons qui le poussent à agir de la sorte, mais comme je viens de le dire, il agit avec humanité, et en ce sens, il déshumanise encore plus ses adversaires, les nazis, qui ne respectent plus rien, même la Mort. Tous les deux ont quitté la sphère terrestre afin de se rapprocher de la sphère divine. Mais plus que ça, c'est un acte politique que nous proposent nos deux héros tragiques.


Un autre aspect m'a alerté dans ma comparaison entre Antigone et Saul, à savoir le lieu de leur mort. En effet, à la fin de la pièce Créon décide d'enterrer vivante Antigone, de l'enfermer dans une pièce vivante pour qu'elle y meurt. Or, à la fin, Saul et ses compagnons se retrouvent eux aussi enfermer dans une pièce qui s'apparente à un tombeau puisqu'ils vont y mourir. Même si à la fin d'Antigone, elle se suicide par pendaison, ce qui d'ailleurs doit t'alerter cher lecteur et que Saul est assassiné, je trouve que la comparaison n'en reste pas moins pertinente.


Pour en revenir plus particulièrement au film, qui est et reste l'objet de cette critique, je dois vous confier qu'il m'a laissé dans un état de torpeur et de malaise. Le manque d'humanité du film, qui est d'ailleurs totalement justifié, a rendu mon visionnage assez éprouvant. Mais ce sont ces sensations désagréables, qui m'ont fait d'autant plus aimer le film puisqu'il aurait été totalement ridicule de tomber dans les bons sentiments.

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le 21 avr. 2016

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Okrutt

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