Dans les années 40, le romancier belge Stanislas-André Steeman est une source d'inspiration très forte pour le cinéma policier français. Sorte d'équivalent continental de la grande Agatha Christie, le prolifique écrivain liégeois vit ainsi une douzaine de ses romans adaptés sur grand écran.
Avec des réussites totales (les deux petits chefs d'œuvres de Clouzot : "L'assassin habite au 21" et "Quai des orfèvres") et d'autres plus modestes, à l'image de ce "Furet", sympathique divertissement, trop limité pour rester dans les mémoires cinéphiles.
Il faut dire que la mise en scène du méconnu Raymond Leboursier (ancien acteur et monteur, occasionnellement passé à la réalisation) s'avère très théâtrale, très ancrée dans les standards de l'époque, avec des comédiens qui déclament leur texte avec emphase, n'hésitant pas à cabotiner nettement.
Il faut dire que "Le furet" est un film de seconds rôles, sans véritable personnage principal, puisque le héros et son antagoniste n'apparaissent que tardivement dans le récit, et n'ont qu'un temps de présence à l'écran limité, à l'instar de chaque comédien de la très vaste distribution.
Chacun dispose donc de peu de temps pour se faire remarquer, conséquence du scénario décousu du "Furet", dont la première moitié est conçue comme un film à sketches, où un nouveau tableau succède au précédent toutes les dix minutes (nouveau crime, nouveaux acteurs).
On assite donc à un véritable défilé de visages d'époque, certains plus connus que d'autres, tels Pierre Larquey, Jean Tissier, Pierre Renoir, Jacques Baumer, Jaqueline Delubac, ainsi que Pierre Jourdan dans la peau de M. Wens.
Voilà donc un film qui intéressera surtout les amoureux des années 40, avec leurs codes typiques du polar et du mystère (le corbeau qui annonce les crimes par des lettres anonymes, le voyant qui prétend les anticiper dans sa boule de cristal, le taxidermiste inquiétant, la nuée de reporters devant le commissariat etc...) et leurs stéréotypes spécifiques (le veuf qui épouse la servante, le docteur qui hérite de sa vieille malade, la maîtresse qui fait chanter l'homme marié...).
Lorsqu'on est réceptif à cette imagerie d'époque, on pourra comme moi passer un vrai bon moment devant cette petite comédie policière. Dans le cas contraire, on risque surtout de tiquer face aux nombreux défauts de ce divertissement très mineur.