J’ai déjà dit ici à plusieurs reprises mon goût prononcé, mon affection même pour le cinéma un peu naïf, mais au fond très tendre de Christian Gion, en dépit de son vernis “farceur” qui peut être perçu comme lourdaud. Mais avec ce gagnant, je dois avouer que j’atteins très vite mes limites d’indulgences. Je n’ai pas aimé ce film pour plusieurs raisons. La plus évidente est son scénario qui manque de jugeote, d’équilibre, de finesse et surtout de justesse narrative.


Ajoutons à cela un montage hyper mollasson qui donne au film un rythme erratique avec quelques scènes plutôt emmerdantes et l’on obtient un mauvais film. La réalisation, la mise en forme n’est toujours pas au rendez-vous. Il est vrai que j’ai vu le film sur un support médiocre, mais tout de même, pas besoin d’avoir un blu-ray avec un superbe transfert pour apercevoir que la photographie de Lionel Legros est paresseuse, sans aspérité, voire dégueulasse sur les nocturnes.


L’écueil le plus ravageur, pour moi qui arrive à aimer de mauvais films grâce à leurs bons acteurs, c’est que la distribution bien que prometteuse au générique, se révèle totalement laissée à l’abandon, sans saveur. Jusqu’à maintenant, j’avais eu au contraire l’impression que Gion savait donner à ses comédiens les moyens de s’exprimer largement. Ici, c’est franchement mauvais.


Henri Guybet se coltine un personnage inconsistant, certes, mais on a l’impression qu’il ne le joue pas vraiment. Il est plat, sans texture, sans envergure, alors qu’il aurait pu en faire un beau salopard, tout en cynisme et haut en couleurs.


Michel Galabru n’est pas à proprement parler mauvais, mais lui non plus n’arrive pas à hausser son personnage. Il reste sobre, c’est déjà ça. Son personnage s’ennuie et nous aussi.


Stéphane Audran? Bordel, je suis amoureux de Stéphane Audran depuis toujours, et là, avec un rôle aussi tordu, elle aurait pu faire mon bonheur, ou du moins quelque chose de convainquant. Je suis déçu par ces acteurs que j’aime beaucoup par ailleurs.


Tenez, un acteur comme Michel Peyrelon a de quoi inventer avec ce personnage de détective privé, hé bien, rien, nibe, peau de zob, électrocardio zéro, pas de relief, pas de peps, jamais une étincelle de folie. Je ne veux pas même évoquer Philippe Ruggieri ni Odile Michel qui sont terriblement incolores pour le coup. Dans le jeu, ce film est une calamité.


Par rapport à tout ce que j’ai loué auparavant du cinéma de Christian Gion, ses élans poétiques, le mordant critique à l’égard de la société et ses petites hypocrisies, la déception est tout aussi nette et cruelle. Le film reste inefficace, emmerdant et mal foutu.


Une scène, une seule petite scène qui doit durer 10 secondes tout au plus, a retenu mon attention, m’a paru judicieuse, voire belle! Une seule. On y voit un barman (le très bon André Pervern) interrogé par un journaliste qui lui pose des questions très plates (comme le film diront les plus méchants) et qui répond de façon sincère, triste, mais sincère. Le journaliste, gêné par cette soudaine franchise et parole de vérité dont il n’a que foutre, l’interrompt grossièrement pour fabriquer son “spectacle” de l’information. Ce petit décalage entre la société et l’âme humaine crée une parcelle de beauté qu’on aurait aimé trouvé tellement plus souvent dans ce bête film.


captures et trombi

Alligator
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le 13 juin 2017

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