Berlin,1943.Bruno,un gamin de huit ans,mène une vie insouciante entre sa famille bourgeoise et ses copains.Mais voilà que son père obtient une promotion professionnelle et est muté à la campagne,où le môme doit déménager,ainsi que sa mère et sa soeur aînée.Le hic,c'est que papa est un commandant SS,et que sa promotion consiste à diriger un camp de concentration plein de Juifs que l'on gaze à l'occasion.Au départ,la seule chose que voit Bruno est qu'il est bien embêté de quitter sa vie berlinoise,mais il va compenser cette déception en allant traîner aux abords du camp et se lier d'amitié avec Shmuel,un prisonnier de son âge.Le Britannique Mark Herman,surtout connu pour son hit de 96 "Les virtuoses",a écrit et réalisé cette adaptation d'un roman de John Boyne.C'est plutôt long à démarrer,le film s'enlisant dans l'académisme,la reconstitution historique figée,les personnages caricaturaux,le mélodrame outrancier,le tout sur une musique symphonique omniprésente d'un James Horner peu inspiré.Mais peu à peu ça se décante et les enjeux se dessinent.La guerre 39-45 a sans doute été trop ressassée au cinéma,et le sous-genre du "film de camp de la mort" diversement représenté."Kapo","Jakob le menteur","La vie est belle" ou "La liste de Schindler" sont passés par là,mais "Le garçon au pyjama rayé" se rapproche surtout du récent "La zone d'intérêt".La vie près d'un camp donc,et ses conséquences sur les familles vivant à l'extérieur de ces horribles endroits.De fait,tout va partir en vrille entre le père,militaire borné dont la plus importante préoccupation est sa mission,aussi ignoble soit-elle,la mère,nazie convaincue elle aussi,qui va cependant paniquer et tomber dans la dépression face à la réalité que recouvre l'idéologie,la fille,une ado dont les hormones commencent à se manifester et qui devient,par attirance pour un beau lieutenant,une vraie petite hitlérienne,et le jeune Bruno donc,perdu au milieu d'un monde dont les codes lui échappent,et qui ne comprend pas ce qui se joue autour de lui,ni pourquoi on veut l'empêcher de fréquenter ces "fermiers en pyjama",et notamment son pote Shmuel,ce petit bonhomme toujours affamé et si sympa.L'évolution de tous ces protagonistes est bien maîtrisée,et l'histoire y ajoute des notations intéressantes,comme ces films de propagande tournés dans le camp et dans lesquels on voit les prisonniers mener la belle vie,ou cette évocation du rouleau compresseur aveugle qu'est le totalitarisme.Ainsi voit-on le lieutenant Kotler,pourtant un fanatique du régime,se faire sanctionner quand ses supérieurs apprennent qu'il n'a pas dénoncé le départ de son père,un opposant,en Suisse.Le récit prendra dans le final une autre dimension avec une conclusion totalement inattendue,d'une ironie et d'une cruauté glaçantes.Ce qui ressort de tout ça est la vanité de ces périodes troublées initiées par des mirages disparus avec ceux qui ont cru les matérialiser.Asa Butterfield,avec sa tronche de cake,est pour une fois supportable en minot curieux et incontrôlable,mais c'est surtout Jack Scanlon qui rafle la mise dans le rôle extraordinairement émouvant du petit Shmuel,innocent plongé dans un enfer dont la justification lui échappe.David Thewlis a fait des progrès depuis ses débuts,l'époque où il surjouait comme un porc.La sobriété lui va bien,et il parvient à humaniser un bourreau sans conscience,qui est par ailleurs un bon père et un bon époux.Vera Farmiga,belle et frémissante,est parfaite en bourgeoise confrontée à une vérité qu'elle ne voyait pas,ou ne voulait pas voir tant qu'elle était éloignée de son regard,et qui ne supporte pas la situation réelle.La jolie Amber Beattie,blonde comme les blés,est bluffante en jeune adepte du nazisme.Grande performance également d'un Rupert Friend terrifiant en officier allemand robotisé.