"And we can do it cause we have friends- because we have each other. "

Lire en musique.


Je pense que tu me connais, maintenant, lecteur de mon cœur. Probablement que tu me lis depuis quelques temps, même qu'on est pour ainsi dire quasi-intimes, fusionnels jusque dans nos déchirements.
Tu sais un peu à quoi t'en tenir avec moi, je pense. Tu vois bien que je suis du genre fleur bleue, un peu mièvre sous mes dehors virils. Que ce soit dans la solitude de mon salon, emmitouflé dans ma couette, quand personne ne regarde c'est les grandes inondations, et vas y que je m'épanche en longs textes laudatifs sur Sens Critique.


Tu sais aussi que, même si je suis assez hétéroclite, j'ai mes genres de prédilection, mes dadas pour ainsi dire. En témoigne mon activité récente, je bouffe de l'animation à tout va, quand ce n'est pas du cinéma coréen, de la comédie bas du front ou bien un nanar bien senti impliquant trois tonnes cinq de ketchup et/ou un monstre en CGI bien kitch.


Question émotions et animation, Hosoda sait y faire. À chaque fois le fourbe me prend aux tripes, ayant poussé le vice jusqu'à me faire sortir les larmes aux yeux d'un cinéma, rapport à un film avec des enfants loups.
Si tu t'es un peu reconnu dans le portrait - sommaire - que j'viens de dresser, je pense que je peux te recommander chaudement son dernier petit bijou, Bakemono no Ko. Faut dire que le bougre, depuis Digimon, il a fait du chemin. Après le splendide la Traversée du Temps, Summer Wars puis le bigrement chialant Les Enfants Loups, c'est encore carton plein pour le réalisateur japonais.
Réalisateur japonais qui, notons-le, n'a absolument rien d'un Miyazaki. Je ne comprends pas ce désir de comparer ce qui n'est pas comparable. Deux réalisateurs de films d'animations donnent deux réalisateurs différents, nul besoin pour ce cinéma de tout ramener au maître qu'est Miyazaki car Hosoda s'est construit sans émuler l'imposant réalisateur, malgré son passage dans les studios Ghibli. On peut noter une ressemblance des thématiques traitées, ça s'arrête là. Que ce soit le dessin, la manière de traiter, d'amener et de conclure une histoire, tout le reste est bien différent.


Baste, penchons-nous sur le film. Le Garçon et la Bête commence par la fuite erratique du petit Ren qui rejette et haït le monde entier, rapport à la mort de sa mère et la disparition de son père. C'est en suivant une grosse créature un brin colérique à l'allure d'ursidé recherchant un disciple pour pourvoir prétendre au titre de seigneur des bêtes qu'il finira par se perdre dans un dédale de ruelles le menant au monde des bêtes, plongé à l'intérieur d'un dense quartier nocturne surplombé par un(e) immense Tori.



Vous qui passez ici, gardez tout espoir.



Question de comparer ce qui n'est pas comparable, je vais commencer en mettant en parallèle deux œuvres modernes traitant de mondes anthropomorphique, Zootopia et Bakemono no Ko pour le simple plaisir de s'intéresser à leur réalisation visuel et de vous dire que je préfère la foisonnante vie du folklore japonais à la froideur en 3d d'un Zootopia. L'avis que j'émets ici est très personnel, bien évidemment.
Non content de conserver cette fluidité d'animation qui lui est propre, cette souplesse dans les formes et dans le dessin, Hosoda enrichit son univers d'un folklore hybride, empruntant à un Japon médiévale tout en y ajoutant des inspirations variées entre steppes et maisons à toit plat presque méditerranéenne. Le monde des bêtes vit, fourmillant de formes bigarrées, baigné de soleil presque en contradiction avec la froideur du monde humain qui devient au cours du film plus étrange et plus inhospitalier.


Le conte qui se déroule devant nos yeux montre toute la virtuosité d'Hosoda qui parvient en dix minutes à établir son univers et ses personnages en les rendant attachants, de ce gamin colérique, têtu, portant la souffrance de l'abandon à fleur de peau. Plus qu'une histoire d'adoption, c'est la découverte de l'autre comme remède à la solitude, la rencontre de deux êtres que tout semble séparer mais qui s'attirent irrémédiablement.
Car Kumatetsu, ce bougon d'ours impoli, cet autodidacte colérique n'est finalement qu'un être débordant de dévouement et attendrissant dans son affection gauche.


Se construit tout au long du film une relation ou le cri est la norme, l'engueulade comme complicité implicite particulièrement touchante. Et au-delà l'enfant qui se construit par mimétisme afin de se surpasser tandis que le père se construit par le biais du regard de ce fils adoptif, moment atteignant son paroxysme dans une séquence particulièrement touchante.


Plus qu'une histoire sur la construction après l'abandon, Bakemono no Ko est une ode aux liens affectifs qui soutiennent l'humain et sont nécessaire à son évolution, à tout âge, à tout moment, que ce soit les liens d'amour (avec le personnage de Kaede, jeune fille qui tente de se construire malgré les attentes et projets de ses parents), d'amitié ou de parenté.


En creux, bien sûr, la construction face à l'adversité, l'acceptation de soi contre le déni qui prend sens dans un affrontement grandiloquent, superbement animé, peut-être un brin trop épique pour ce conte initiatique qui aurait su s'en passer mais terriblement émouvant.


Le titre de cette critique vient d'un film ... lequel ?

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le 22 avr. 2016

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Petitbarbu

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