Le Garçon et le Héron
6.9
Le Garçon et le Héron

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (2023)

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Le vent se lève devait être son dernier film, avait dit, me semble-t-il Miyazaki, mais finalement, 10 ans plus tard, il nous sort Le Garçon et le Héron pour notre plus grand plaisir. Si j'avais trouvé Le vent se lève passablement ennuyeux (son plus ennuyeux si vous voulez mon avis), je suis heureux de retrouver Miyazaki dans un registre plus symbolique qui renoue avec Le voyage de Chihiro.

L'histoire se déroule au moment de la 2è guerre mondiale. Un jeune garçon habite à Tokyo et perd sa mère dans un incendie. Il ira vivre plus tard à la campagne avec son père et sa nouvelle femme qui est enceinte. Le père dirige une usine qui construit des avions, ce qui rappelle à la fois le thème du précédent film (Le vent se lève) ou encore de Porco Rosso, mais surtout la propre vie de l'auteur puisque son père dirigeait également une usine aéronautique. Miyazaki sera lui aussi évacué après le bombardement de la ville. Bref, on retrouve de nombreux éléments biographiques de l'auteur sans qu'on puisse pourtant parler de film autobiographique. Je dirais plutôt qu'il s'agit d'un film testament, j'expliquerai pourquoi après.

C'est donc en arrivant à la campagne que le garçon va rencontrer la nouvelle femme de son père et apprendre qu'elle est enceinte de ce dernier. Il va découvrir la maison au style traditionnel japonais mais avec des pièces au style occidental, notamment le chambre du garçon qui comporte par exemple un lit avec sommier, une table, des chaises ... Dans la maison vit un groupe de vieilles femmes qui s'occupent des tâches ménagères et semblent intéresser par la cuisine et le tabac, sortes de gentilles sorcières.

Le garçon remarque assez rapidement un héron qui va se poser sur le toit d'une vieille tour abandonnée qui se trouve sur le domaine. Le garçon apprendra que cette tour a été construite par son ancêtre, un type intelligent mais un peu fou. C'est à partir du moment où il se donnera lui-même un coup sur la tête qu'il commencera à entendre le héron (lui) parler. Puis le héron se transformer de plus en plus jusqu'à avoir une apparence de plus en plus humaine. Le héron veut attirer le garçon vers la tour, mais celui-ci se méfie. Il fabrique un arc et des flèches pour chasser le héron. Jusqu'au jour où sa belle-mère disparait et qu'il part à sa recherche dans la tour ...

C'est alors que commencera un voyage onirique semblable en de nombreux points au Voyage de Chihiro, mais qui rassemble en réalité certains traits propres aux autres films de Miyazaki et c'est en cela que j'affirme que c'est un film testament. La dernière partie du film m'a en effet beaucoup fait penser au Chateau de Cagliostro, le premier film de Miyazaki. Je parle de la partie où le garçon va aller libérer le princesse. On trouve déjà cela dans Le Chateau lorsque Edgar de la Cambriole va libérer la princesse enfermée dans le château. La fin rappelle aussi celle du Château dans le Ciel. Par exemple, le Roi des perruches ici peut être transposé au général idiot du Château(dans le ciel). Si le thème de la nature est très présent ici (la première partie du film est très contemplative), celui de l'écologie l'est beaucoup moins. Il rappelle tout de même par certains aspects Mononoke, notamment quand l'oncle fou parle de la pourriture, ou encore quand le garçon est recouvert de crapauds. Cette première partie contemplative et déjà presque onirique m'a d'ailleurs fait penser à Rêves de Kurosawa dans lequel le thème de la mort est omniprésent.

Ainsi, par ce film, nous voyageons à travers l'œuvre de Miyazaki par de nombreuses références à ses films précédents que le spectateur attentif remarquera. Le thème de ce film est aussi, de manière assez évidente la mort. La mort d'abord par le thème de la perte et du deuil incarné par la perte de la mère de l'enfant dans l'incendie. Mais c'est un voyage dans le royaume des morts (l'enfer) que l'enfant va entreprendre en espérant retrouver sa mère tel Orphée descendant dans les enfers recherche Eurydice. D'ailleurs, la première ile qu'il va rencontrer est clairement l'île des morts, non seulement parce qu'elle utilise l'imagerie romantique de la célèbre série de tableaux de Böcklin avec ses cyprès, mais aussi parce qu'elle utilise les monuments funéraires du type que l'on retrouve dans le lieux celtes ou préhistoriques, avec des pierres levées. C'est d'ailleurs dans cette sépulture qu'il retrouvera sa belle-mère enceinte symbolisant aussi sa propre mère disparue. Quant à sa mère, il la retrouvera enfant, ayant le même âge que lui, et il semble tomber amoureux de sa propre mère sans savoir que c'est elle, rappelant évidement le topos œdipien.

Bref, si Le Garçon et le Héron n'atteint pas le sommet du Voyage de Chihiro, c'est un film testament riche de signification et qu'il vaudrait le coup de revoir afin de remarquer tous ses symboles et références. Et on peut espérer aussi qu'il ait donné un second souffle à son auteur et que ce ne soit pas non plus son dernier ! Sait-on jamais !

Créée

le 10 nov. 2024

Critique lue 25 fois

Hunkarbegendi

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