Arbor (Conner Chapman) est un blondinet britannique aux oreilles décollées d’une douzaine d’années qui vit dans un milieu assez défavorisé : famille bruyante, père absent, le grand frère qui se drogue, quartier aux maisons en brique serrées les unes contre les autres. Très nerveux (sujet à des crises, épilepsie ?) Arbor suit un traitement qui l’oblige à prendre un médicament chaque jour. Sa mère le tarabuste continuellement pour qu’il y pense. En fait, tout le monde le tarabuste régulièrement, car Arbor n’en fait jamais qu’à sa tête. On le voit en particulier à l’école tenir tête à un enseignant, à coup de réflexions provocatrices et insultantes. Attitude systématique confirmée par son comportement autoritaire vis-à-vis de policiers venus l’interroger chez lui. Sa ligne de conduite est assez simpliste : il n’a rien fait.

A la suite d’une violente altercation avec un « camarade » Arbor est renvoyé définitivement de son école. Il prend cela avec un grand sourire, parce que c’est son attitude générale. Il prend tout à la légère et personne n’a de réelle prise sur lui. S’il ne brille pas par son intelligence, il est malin et débrouillard. A l’école, on voudrait le forcer à se tenir correctement et à apprendre des choses qui ne l’intéressent pas. Ce qui l’intéresse, c’est de trouver le moyen de gagner un peu d’argent pour se sentir libre, indépendant. Avec son copain Swifty (Shaun Thomas), un soir, il ont vu des hommes récupérer des câbles métalliques du côté de la voie ferrée. Voilà un plan qui lui convient parfaitement !

Swifty est plus grand qu’Arbor. Il est costaud et menacé par l’obésité. Son truc à lui, les chevaux. Il s’y connaît au point de donner des conseils, en particulier à Kitten. Celui-ci est le patron d’une entreprise de récupération de métaux, mais également propriétaire d’un cheval nommé... Diesel. Il l’engage dans une course sur route : très belle séquence de trot attelé observée par Arbor et Swifty du haut d’un pont, deux attelages étant harcelés par leurs propriétaires en voitures, suivis par une meute genre caravane du tour de France.

Un moral en acier trempé, Arbor vient chercher son copain à l’école, dirigeant un cheval de trait avec une petite benne dans laquelle ils vont placer tout ce qu’ils peuvent trouver. Ils avaient commencé leur trafic doucement avec un landau, essuyant sans broncher les sarcasmes de ceux qui les croisaient. Ils vont passer à la vitesse supérieure.

Des objets métalliques, Arbor et Swifty en trouvent. Ensuite, ils vont voir Kitten qui les rachète au poids. Kitten est du genre qui ne se pose pas trop de questions. Du moment qu’on lui amène quelque chose d’intéressant, peu importent la provenance et les identités de ses fournisseurs. Des gamins qui devraient être à l’école ? Et alors, il les paye. Sauf que dans le coin, personne ne roule sur l’or. Alors, dès qu’il est question de gagner un peu d’argent, tous les moyens sont bons. Pour Kitten comme pour les autres…

Ce film est dans la lignée des films sociaux britanniques dont le représentant le plus illustre est Ken Loach. A son image, Clio Barnard filme en faisant en sorte que sa caméra se fasse complètement oublier, tout en rendant parfaitement compte de l’énergie déployée par ses jeunes interprètes qui sont d’une grande justesse. La peinture sociale est saisissante, avec des paysages grisâtres dominés par les tours de refroidissement de la centrale électrique du coin. L’ensemble est désespérément aussi froid que le métal. Seul contrepoint, des champs avec des chevaux : très beau plan d’ouverture lorsqu’ils se découpent en ombres chinoises le soir. On serait tenté de dire que seule la nature représente encore quelque chose d’apaisant. Mais ce serait oublier la fin qui apporte un brin d’espoir. Une main qui se tend, c’est toujours bon à prendre. Le film est présenté comme l’adaptation d’une nouvelle d’Oscar Wilde, un garde-fou pour Clio Barnard dont c’est le premier long-métrage de fiction. A l’aise avec ses personnages, un scénario limpide et sa peinture sociale, elle évoque de façon très sombre la réalité du sud de l’Angleterre. L'inconvénient est que l’ensemble manque un peu de nuance, à l’image d’Arbor.

Arbor carbure au super (sans plomb cela va de soi, parce que s’il en trouvait du plomb, on sait bien ce qu’il en ferait). A force de le voir agir dans l’urgence, on sent venir le drame. Ensuite évidemment, ses projets ont du plomb dans l’aile. Du plomb, on espère quand même qu’il en a un peu plus dans la cervelle, désormais.
Electron
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le 24 déc. 2013

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