Il n'y a vraiment rien de mieux que d'être Français

Rien que pour la tête dépité de Vincent lors du plan d'ouverture de la scène bal du 14 Juillet, ça vaut déjà le coût.


L'histoire prend place autour du beau lac d'Annecy. On a souvent ce dernier à l'image, qui offre une perspective des plus réjouissantes. La scène aux alentours de 37min montre un paysage savoyard on ne peut plus dégagé, ça respire, ça se libère lors de cette balade champêtre entre Jérôme et Laura. Le cadre, les dialogues, il nous semble que Jérôme est peut-être passé bon gré mal gré de l'autre côté de la barrière interdite (Comme le frère du réalisateur? Sûrement). Et puis quelques minutes plus tard sa discussion avec Aurora prend le contre pied de cette impression. Plusieurs fois l'environnement et l'espace servira ainsi intelligemment le propos.


L a sobriété des mouvements de caméra est très souvent au service de la ponctuation des scènes. A 45min, alors que Jérôme est encore au cœur de son expérience, on assiste à un monologue de Laura qui n'intéresse pas Jérôme, mais qui lui donne de l’épaisseur au personnage de la très jeune -il faut le rappeler- femme. La caméra est rivée sur elle. Puis soudain Jérôme voit l'occasion d'amener la discussion là où il le désire. La caméra vient sur lui, en plan rapproché, d'une phrase bien sentie, et drôle à mon avis, il redirige la conversation, puis le cadre s’élargit pour les avoir ensemble, désormais réellement entrain de se répondre. Le plan se resserrera à nouveau alors que le propos se précise, avec un cadre légèrement centré sur Jérôme, qui en sous-main dirige l'échange. Pouvait-on espérer des dialogues plus exquis que ceux d'Eric Rohmer ? Et bien les voici, les mêmes en écrin de sa mise en scène.


S inon, les femmes sont belles dans ce métrage, exceptée Michèle Montel qui me laisse de marbre, même si je trouve que son personnage fonctionne bien. Quoique, elle est le seul personnage qui incarne une image parentale, alors donnons-lui un bon point.
Mais là je parle d'autre chose, je parle de la beauté des trois autres femmes, et pas seulement de leur plastique.
Laura est un esprit vif, fou, fougueux et impétueux. Mais elle est aussi naïve, immature. Aurora est accomplie, généreuse, mystérieuse et maligne. Claire est solaire, fraîche, gracieuse, une beauté absolue, une beauté nue et, malgré tout assez fade.
Ces personnages se complètent et offre une palette de traits avec laquelle le récit va peindre ses propos. Le métrage de Rohmer m'a rappelé l'adolescent très fleur bleue, intellectuel, épris et mièvre que j'ai été de par les discussions avec Laura. Il a aussi apporté un éclairage nouveau à des questions que je me pose aujourd'hui, notamment au travers des échanges entre Jérômes et Aurora. Enfin, le personnage de Claire rappelle ces années de passion plus crue et insouciante que j'ai pu connaitre entre ces deux moments de ma vie. J'imagine qu'au travers de ces trois femmes et de ces trois manières d'aborder les relations amoureuses, beaucoup de gens s'y retrouveront.


C e que j'aime le plus dans le cinéma de Rohmer, ce sont évidemment ses dialogues intellectuels. Ça n'est pas formellement réaliste, et ça n'en a pas besoin pour capter foncièrement ce dont ça veut parler. Et je n'ai pas la prétention d'avoir tout compris, mais en tout cas cela a planté des graines de réflexions, et cela les a arrosé jusqu'à la dernière scène. Les thèmes abordés me sont chers, les personnages les mettent admirablement en valeur, de même que la mise en scène. Le tout est parsemé de moment touchants, graves, drôles, bref, des moments de vie (oui c'est convenu).


PS : Et sinon, je pense que ce doit être vraiment difficile de traduire un tel métrage. En tout cas ça doit être dommage de perdre une partie de sa substance avec une traduction. C'est pour ça que pour regarder un métrage d'Eric Rhomer, il n'y a vraiment rien de mieux que d'être francophone. J'ai dit "Français" ?



J'ai le sentiment d'avoir un droit sur elle. Un droit qui nait de l'existence même de mon désir.


Profch_n_6
8
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le 24 avr. 2020

Critique lue 190 fois

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