Je n'ai pas encore percé le mystère de l'étonnante requête de Gizmo ("Je veux voir Le Gorille a mordu l'Archevêque !"), mais cela a du chien. Est-ce la swinguante chanson du générique interprétée par les Double Six ? Non, me répond l'animale. La clé de l'énigme est dans le casting.
Est ce alors la présence de la seule "pin up" du film, l'étonnamment non-affolante Huguette Hue, à la carrière briséee en trois films ? Dans le rôle de Jocelyne, secrétaire peu farouche mais sentimentale, elle ne passe la barrière du supportable que filmée de très loin. Mais peut-être est ce une parente de l'éclaireuse en ombre chinoise de Sens critique ?
Que nenni, persifle Gizmo.
C'est les Dix petits nègres, cette histoire !, m'écriai-je en renversant à moitié mon mug de café soluble. Pardon, les Dix petits indiens, désormais. Bien qu'il y ait un Nègre dans ce Gorille : Monsieur Guémélé, mais les acteurs prononcent bien mal. Ainsi, la première fois que l'on entend parler de "Rapu", on entend distinctement "Ras de cul" et quand vient le tour de Guémélé c'est Houénéné que l'on entend (rires dans la salle — 1 603 233 spectateurs hilares en 1962).

Nonobstant, Guémélé/Houénéné vient du Congo et roule en voiture de sport blanche (le gagman a du rembourser une partie de son salaire, selon la légende). Et ce personnage haut en couleurs nous vaut une merveilleuse séquence où, sur une musique de zazou, il se met à danser comme un beau diable (ils ont le rythme dans la peau, vous savez) et confond ainsi son rival : lequel ne sait pas danser, ne sait pas planquer sa cigarette dans son tambour africain et situe Bombay au Congo. Il est beau, l'espionnage Français !
Alors Monsieur Houénéné (ahaha : Ouais, les Nénés), tueur au service d' un complot financier visant à avoir la main mise sur le chemin de fer... sénégalais (mais n'ai-je pas eu un moment d'inattention ?) passe à l'action. Il se rend vers Angers, fait son enquête (apparition d'Amarande) et découvre que Roger Hanin se fait passer, depuis le début du film, pour un barbouze alors qu'il est à la solde de l'Etat Français. Ce que, frémissants de peur, nous savions depuis le début.
Mais je doute que les intrigues d'espionnages bas de gamme passionnent notre détentrice du badge "Prix Littéraires 2012" (car elle a lu au moins un titre parmi la liste des oeuvres qui ont obtenu un prix littéraire français en 2012).
Est-ce donc le fort potentiel romanesque de James Campbell, alias Monsieur Houénéné, qui a interpellé la cinéphilie de Gizmo ?
Ou faut-il soupçonner une passion coupable pour Pierre Dac, qui a trois répliques, impassible, au téléphone. Ou pour Roger Dumas, si affreusement mauvais que c'en est touchant ? Ou pour Jean Le Poulain, camé à l'arsenic et qui a une séquence d'anthologie avec Roger Hanin où il s'épanche : il aimé une femme, il y a longtemps... et ça a donné leur fils Louis (Roger Dumas). On ne l'y reprendra plus.
Il y a encore le fils du Gorille : 15 ans, 1m92 et 103 kg. Le gentil Robert Puig ne tourna que ce seul film. Que devient-il ?
Non, tout cela ne tient pas. Et le film lui même est affreusement mou, d'une drôlerie éventée, sans ingrédient exotique ni érotique, ni rien de quoi de ce soit qui en ferait le prix. Alors ?
Reste Roger. Sa carrure. Ses mimiques bon enfant. Son accent renfrogné, qui affleure quand il se met en pétard.
Quelque chose d'un Cary Grant de Casablanca, assurément. Sacrée Gizmo. Quand y'en a plus, il lui en faut encore.
paul_labrador
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le 9 juil. 2013

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