Certains classiques sont indescriptibles…

C’est mon film préféré…


Pardon…


Alors que l’expédition des 100 (Garibaldi qui débarque en Sicile) vient de commencer à Palerme, le prince Salina assiste aux changements de son île natal et de la nation italienne, notamment au travers de son neveu et double spirituel, Tancredi, qui tombe amoureux de la riche Angelica, nouvelle parvenue à la suite des événements. Le prince fait en sorte d’arranger le mariage et d’organiser l’ascension sociale de son neveu dont il perçoit le rôle déterminant dans la future Italie qui se dessine, tandis qu’il observe nonchalamment la fin de son monde et l’avènement d’un nouveau, où il n’a plus sa place…


Ce qui est drôle, c’est qu’avec ce film, Visconti est passé du statut de « réalisateur au style brouillon. Doit s’améliorer » à « c’était mieux avant ». Enfin, du moins pour ses détracteurs. Sinon, pour les autres, le Guépard est un chef-d’œuvre et une pierre angulaire dans la filmographie de Visconti.
Ce dernier a beaucoup de points communs avec l’auteur du livre : Lampedusa. Il est issu d’une famille aristocratique ancienne mais son père a épousé une femme aux origines bourgeoises certainement douteuses mais immensément riches : la dot de cette dernière a dû d’ailleurs aider la famille à « survivre ». De ce fait, Luchino Visconti a grandi dans ce milieu réactionnaire décadent qui tentait de survivre et de s’adapter du mieux qu’il pouvait, dans la mesure où ça n’allait pas à l’encontre de leurs valeurs aristocratiques. Ou, comme le dit Tancredi : « si on veut que tout reste comme avant, il faut que tout change ».
Et c’est ça ce que Visconti a voulu décrire (avant lui, Lampedusa) avec ses super panoramiques siciliens : la fin d’un monde qui refuse de reconnaître l’inévitable et l’avènement d’un nouveau monde, qui sera quasiment identique mais changé par la révolution (comprenez par là que les bourgeois auront juste plus l’occasion de se mélanger avec l’aristocratie qu’avant). C’est une vision cynique mais malheureusement vraie du système : les gens n’ont jamais fait la révolution pour balayer d’un revers de la main les puissants mais tout simplement pour les rejoindre. En un sens, il est compréhensif que Visconti ait été considéré comme un traître à la « cause communiste », bien que le reproche vienne plutôt du fait de dépeindre un monde réactionnaire de manière romantique. En vérité, par cette réflexion, Visconti parle plutôt de la difficulté d’abaisser les grands.
Cela peut sembler pessimiste et dire qu’au fond, les classes inférieures se feront toujours arnaquer mais justement, Visconti, au travers du prince, explique que, même pour les puissants, la situation n’est pas idéale car à l’ordre suit le chaos. Bref, personne n’est content (pas même le clergé qui se sent sacrifié), tout le monde est malheureux dans une nouvelle société qui repose sur des paradoxes inaliénables. Seul Salina semble avoir conscience de la triste réalité et l’accepter, d’où la volonté de Visconti de le faire terminer sur un lever de soleil, assistant à la procession d’un prêtre pour aller dire les derniers sacrements.
C’est une de ses œuvres qui vous touche sans que vous comprenez pourquoi et chaque fois que vous la re-regarder, vous découvrez de nouvelles pistes de lecture. J’ai essayé de résumer l’une des principales selon moi et de l’expliquer mais… franchement, je ne suis pas sûre d’avoir réussi à expliquer en si peu de mots, toute la beauté et la richesse du film.


N’hésitez donc pas à aller le voir.

RaphaëleMartinat
10

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Créée

le 12 nov. 2019

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