Réjouissant, dommage que l'intrigue déçoive...

On retrouve les ingrédients qui font un bon film d'Aki Kaurismäki : un jeu hiératique, un message social sans concession distillé par de petites remarques en passant, un découpage irréprochable pour chaque séquence, des décors fidèles à l'esprit d'une époque, une photographie inimitable, du rock à l'ancienne joué par des sexagénaires, et Kati Outinen.

Au rayon des nouveautés : le film a été tourné en français, ce qui a plusieurs conséquences. La diction de Wilms est inimitable, mais on n'entend pas bien les répliques de certains acteurs, notamment le jeune noir ou la boulangère : un réalisateur français y aurait sans doute fait davantage attention. Par ailleurs - je ne crois pas avoir lu ça ailleurs - le film me semble hanté par l'esprit de Tati, et Marcel fait beaucoup penser à Monsieur Hulot.

L'abandon du réalisme, revendiqué par le réalisateur, ne manquera pas de susciter des critiques, mais il me semble bien fonctionner. Malheureusement le public ne suivra pas forcément le rythme lent de ce film d'ambiance à l'ancienne. Non pas qu'il n'y ait pas d'action : le spectateur y trouve son lot de péripéties. C'est simplement que l'on voudrait parfois que l'intrigue aille plus loin pour nous surprendre : ici, une fois que l'on a compris que l'on a affaire à un conte de fée, il est difficile d'être réellement surpris : un bon exemple est le suspense de fin à l'hôpital, qui marche bien mais ne surprendra personne.

Le Havre n'est pas un film inoubliable comme "Ariel" ou "Au loin s'en vont les nuages", et il souffrira du parallèle inévitable avec "Welcome", qui traitait sur le mode réaliste le même sujet. Il n'en reste pas moins un film réjouissant, qui donne envie de savoir à quoi ressemblera le prochain opus, puisque Kaurismäki a dit qu'il entamait avec ce film une trilogie consacrée aux ports européens.