On peut dire que ce "Hobbit" revient de loin. Entre la bataille pour en obtenir les droits, les problèmes financiers de la MGM, un tournage sans cesse reporté et la désertion de Guillermo Del Toro qui aura donné plus de deux ans de sa vie au projet, on était plus vraiment sûr de la voir cette adaptation de "Bilbo le hobbit". Ni même d'avoir envie de la voir un jour, surtout que la présence de Peter Jackson derrière la caméra sentait un poil la solution de secours et la régression pour celui qui aura réussi à porter à l'écran l'inadaptable il y a déjà plus de dix ans. Si la sincérité du papa des "Feebles" n'est pas à remettre en cause, on peut cependant se poser de sérieuses questions sur sa réelle motivation.

D'un point de vue purement technique, ce premier volet de ce qui s'avère au final une nouvelle trilogie (il ne devait y avoir à l'origine "que" deux films) se défend plutôt bien, bénéficiant du savoir-faire de Jackson, des superbes paysages de la Nouvelle-Zélande, de costumes et maquillages impeccables, même si l'on pourra émettre quelques réserves en ce qui concerne les effets spéciaux, allant du très bon (Gollum, plus vrai que nature) au franchement moyen (les Wargs, dignes des toutous de "Twilight"). Jackson et son équipe parviennent à offrir quelques beaux morceaux de bravoure, comme cette séquence magnifique plongeant nos héros en plein milieux d'une bataille de géants montagneux. Pour le reste, la magie n'aura pas franchement lieu.

D'un pur conte pour enfants d'une durée relativement courte, Peter Jackson et ses scénaristes tirent donc carrément une trilogie, délaissant la simplicité rafraîchissante du roman de Tolkien au profit d'une aventure plus épique que prévue. Et c'est justement là que le bât blesse. Car là où la rencontre avec Gollum suffisait amplement à relier le film avec les précédents, et annoncer doucement mais sûrement le chaos à venir, ce premier volet étire indéfiniment son intrigue, au point que l'on finit par ne plus se rappeler du tout l'origine de la quête. Obligé de tenir sur trois longs films, Jackson nous noie sous une avalanche de dialogues pompeux et rébarbatifs, quand il ne se contente pas de nous balancer des scènes directement calquées sur la trilogie précédente, les enjeux et la puissance émotionnelle en moins.

Et là de nous demander si le but de Jackson n'est pas en fait de nous faire un prequel à "Lord of the rings", plutôt qu'une adaptation du premier roman de Tolkien. Le metteur en scène saupoudre en effet son film de liens avec sa célèbre trilogie, sauf qu'aucune, mais alors aucune scène en question ne fonctionne, fil conducteur plus superficiel que véritablement utile. Ces poignées de séquences se résument finalement à une simple réunion de famille, malheureusement catastrophiques, d'une apparition totalement inutile d'Elijah Wood à une évocation maladroite du Necromancien en passant par une réunion chez Elrond qui à l'air toute droit sortie du pire épisode de "Star Trek" (il faut voir l'air constipé de Cate Blanchett pour s'en convaincre).

Ayant vu le film dans un format lambda et en 2D, je ne saurais donner un avis sur la technique du HFR, même si à voir le produit fini, je doute que l'aspect hyper réaliste du procédé soit vraiment compatible avec l'univers de Tolkien (déjà que les fonds verts sont voyants en 24 images / secondes...).

Plus proche de la prequel que de la pure adaptation du roman original, ce premier épisode est pour moi une immense déception, la faute à un rythme neurasthénique et aux intentions de Jackson, livrant un film loin d'être désagréable et parfois attachants (les nains sont excellents et Martin Freeman est parfait en Bilbo) mais dénué de la moindre magie et se contentant un peu trop de refaire la trilogie initiale, mais en moins bien. En souhaitant de toute mon âme que les prochains volets me donnent tort.

SECOND VISIONNAGE:

Revu pratiquement un an plus tard, en version longue et dans une 3D soignée mais inutile. Les défauts persistent même si la déception est moindre. L'affiliation avec "Le seigneur des anneaux" apparaît toujours aussi superficielle, le fan-service est crispant, le film met toujours autant de temps à démarrer et Peter Jackson ne semble pas toujours concerné.

Mais d'un autre côté, passée l'immense déception à sa sortie en salles, il est désormais plus facile d'apprécier cette première partie à sa juste valeur, un spectacle certes inoffensif et manquant de souffle mais carré et propre, efficace et attachant, programme idéal pour les fêtes de fin d'année.
Gand-Alf

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