Un peu de pédaGOgie

Petit papier pédagogique à l’intention des spectateurs du film Le Joueur de go.

Il ne m’a pas échappé que si j’avais pu me réjouir personnellement des nombreuses scènes consacrées au jeu dans ce film, il y avait sans aucun doute beaucoup d’entre vous que le jeu des pierres avait pu laisser de marbre.

Je viens donc vous éclairer, pour peu que cela vous intéresse, sur les petites subtilités de ce jeu multimillénaire.

D’abord, pour quelle raison le plateau est-il vide au début des parties ?

Le plateau, ou goban, représente un territoire constitué de 361 intersections que les deux joueurs vont tâcher de s’approprier. Entourer ces intersections par ses propres pierres est la première manière de gagner des points : un point par intersection dans son territoire à la fin de la partie.

La deuxième manière de gagner consiste à capturer les pierres de l’adversaire qui se retrouveraient elles-mêmes à l’intérieur de son propre territoire. Un point par pierre capturée à la fin de la partie. Chaque joueur pose ainsi ses pierres en vue d’acquérir du territoire tout en essayant au maximum de les lier les unes aux autres. En effet, les pierres reliées forment des chaînes qu’il est plus facile de protéger des attaques adverses.

A noter que les gobans sont traditionnellement en bois, ce qui permet aux joueurs expérimentés de faire claquer leurs pierres en les posant, émettant ainsi un bruit caractéristique ; soit en les posant-glissant dans un geste d’une certaine élégance, ce que le film montre très bien.

Puisqu’on est à parler de la pose des pierres, peut-être aurez-vous remarqué la manière très particulière dont les protagonistes se saisissent des pierres, entre l’index et le majeur. C’est en effet, la bonne façon de procéder même si personne n’ira vous taper sur les doigts en cas de non respect de ce code. Depuis l’avènement du jeu en ligne, on a vu arriver dans les clubs de go des joueurs venus découvrir le jeu en réel. On les reconnait tout de suite, à la façon dont ils prennent les pierres, avec le pouce et l’index, comme on se saisirait d’un vulgaire jeton de morpion, avec tout le respect que je dois au(x) morpion(s).

Bref, vous l’aurez compris, le jeu de go est un jeu qui s’accompagne naturellement d’un certain cérémonial mais également d’un code de l’honneur que le film n’oublie pas de mentionner : respect de l’adversaire, l’abandon plutôt que l’humiliation…etc

Côté stratégie, il est question à un moment donné du fameux « jeu sous les pierres » qui vaut à l’un des protagonistes de gagner une partie. En réalité, cette technique de capture est relativement rare dans de vraies parties, pour la simple raison que la configuration qui le permet ne se produit pas souvent mais surtout parce qu’il faut déjà très bien maîtriser le jeu - être au moins un joueur en dan - pour l’envisager tactiquement. Elle consiste en quelque sorte à sacrifier ses propres pierres (se les faire prendre) pour ensuite capturer les pierres capturantes de l’adversaire : autrement dit, tel est pris qui croyait prendre.

En réalité, le jeu est relativement simple à apprendre, quelques minutes suffisent pour maitriser les règles principales. Il faut ensuite plusieurs années pour découvrir ses subtilités stratégiques.

En espérant que ce beau film, ou à défaut ce modeste papier, aient pu vous éclairer, et pourquoi pas, vous donner envie de jouer. Le cas échéant…Let’s go !