Un grand moment de plaisir décomplexé qui prouve tout le talent, mais surtout la singularité enthousiasmante, de ce réalisateur inspiré qu'est De La Iglesia. Dans ce jour de la bête, il joue de sa surprenante capacité à accorder les genres pour mettre sur pied des moments qui oscillent entre drame, comédie ou critique sociale corrosive avec une légèreté nécessaire. C'est avec un sourire franc sur le visage, que l'on garde pendant toute la séance, qu'on se fait malmener par un réalisateur qui sait où il va, ce qu'il veut dire et les moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir.


Le jour de la bête est en effet une bobine très solide parce qu'elle jouit d'une constance remarquable dans son exécution mais aussi dans son écriture, aussi folle puisse-t-elle paraître. Script solide, tour à tour hilarant, révoltant, excitant, complètement chaotique parce que propulsé à un rythme endiablé qui semble pourtant, une fois le point final apposé, totalement limpide. Réalisation aux petits oignons épaulée par une caméra très fluide qui sait choisir les meilleurs points de vue pour donner de la force à l'image. Acteurs dirigés avec une énergie folle qui donnent leur meilleur pour faire de cette fable noire improbable un moment de cinéma marquant, qu'il soit subi ou apprécié. C'est sa précision de chaque instant dans l'absurde qui permet à De La Iglesia d'aller au bout des choses en restant sur les rails d'une pertinence narrative qui lui permet des sorties de piste étonnamment cohérentes : en témoigne ce petit insert inattendu mais contrôlé vers le fantastique en fin de métrage. Il permet au Jour de la bête de prendre encore plus d'ampleur en finissant sur une petite scénette légère mais touchante qui complète de belle manière un point de vue qui a tenu la route malgré sa mise en images parfois hystérique.


Après un Action mutante qui avait posé les bases de sa folie cinématographique, Alex De La Iglesia aboutissait déjà avec son second film à une belle proposition, un moment de cinéma généreux en émotion qui confirme tout le bien que je pense de l'univers si particulier qu'il distille dans son oeuvre. Rares sont les réalisateurs qui parviennent à allier gravité d'un propos et légèreté de son traitement avec autant d’énergie et de cohérence surtout.
Le jour de la bête respire la bonne humeur grâce à ses personnages si colorés qu'ils font rigoler quoiqu’ils fassent (et pourtant les bougres pêchent allègrement) mais son fond thématique est loin d'être aussi frivole qu'il n'y parait. Sous couvert d’un humour noir parfaitement dosé, l’espiègle De La Iglesia se laisse aller à quelques séquences plus graves qui restent dans les esprits (les tarés de Madrid propre sont assez choquants dans le genre) et finissent de faire de cette bobine particulière un film dont on se souvient.

oso
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le 19 déc. 2015

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