Le Labyrinthe d'herbes
7.6
Le Labyrinthe d'herbes

Court-métrage de Shûji Terayama (1979)

Il me semble que ma dernière critique devait être il y a des lustres, et la critique d'un film intéressant il y a encore plus longtemps, mais j'aimerais tout de même commencer celle-ci en poussant un léger coup de gueule : Ce matin j'ai constaté que cela ne faisait finalement que six ans que je regardais des films (et des séries) régulièrement et qu'avant cela mon visionnage de films était plus sporadique et occasionnel, cependant en six ans il m'a semblé que la consommation de cinéma a beaucoup changé autour de moi : mes collègues s’intéressent beaucoup plus au cinéma - le plus souvent mainstream - d'ailleurs les entrées au ciné n'ont jamais été aussi fortes malgré le fléau du piratage (agrogrooo !!) mais j'ai l'impression que la vision du cinéma n'a pas tant changer sur le fond, j'aurais même tendance à penser qu'elle s'est scindé en deux camps révélant des batailles de tranchée entre le cinéma populaire pour pas se prendre la tête et le cinéma chiant/d'auteur pour gens bizarres et pour bobos snobs, d'ailleurs chez les partisans du premier, on constate deux écoles : les premiers qui vont mal réagir à un cinéma psychédélique qui les dépasse dans un contexte où ils ont été habitués à être totalement passifs, le commentaire sera alors je sais pas ce qu'il a fumé mais j'en veux de la même parfaitement insultant comme si l'imagination ne pouvait venir que d'une consommation d'herbe et non pas d'une réflexion personnelle qu'ils pourraient eux-même réaliser s'ils n'étaient pas déjà de braves consommateurs se complaisant souvent dans une culture du rebelle "t'as vu on fume de l'herbe on est à la cool et peut-être un peu subversifs aussi" et les seconds qui semblent se complaire dans une médiocrité admise (lu sur allociné - fiche "les nouvelles aventures d'Aladin" avec Kevs Adams ) "non mais vous comprenez vous vous être habitués à vous prendre la tête nous on n'est pas aussi intelligents" comme si un amateur de ce genre de cinéma ne pourrait pas être un ouvrier spécialisé et devrait forcément travailler dans une grande tour en béton à palper des billets toute la journée après des études menées dans une prestigieuse université.


Ainsi sur ce film où il est question d'un labyrinthe d'herbe j'aimerais pouvoir un jour graver dans l'esprit des trois personnes qui vont me lire : Apprécier et comprendre un film n'est pas une question de fumette ou de niveau d'intelligence, mais d'éducation, d'apprentissage et de sensibilité.


Merde !


Maintenant parlons du film.


Je pourrais passer du temps à expliquer que j'ai longtemps tourné autour de ce film sans trop oser le voir, me disant qu'il pourrait être l’énième délire un peu pervers d'un réalisateur avec la volonté d'exposer à sa caméra le corps nu à la peau pale de son actrice principale, mais fort est de constater qu'il y a un sens derrière ce court métrage, une métaphore puissante et un peu amer du passage à l'âge adulte, de l'adolescence, de la mère castratrice pour laquelle on sera toujours son enfant chéri et pour la place particulière qu'une mère a toujours pour son fils. On exacerbe le premier amour, quasiment hypnotique et érotique, on montre la difficulté à couper le cordon, à régler son amour œdipien, à devenir homme, et non plus ados ou enfant. Les corps nus sont donc moins à prendre ce qu'ils sont que ce qu'ils représentent, des archétypes, des adorations, des amours fous, et des déceptions.


Un film court mais intense qui montre la difficulté à passer d'un amour maternel à l'amour d'une femme pour ce qui semble être quasiment un enfant élevé dans le cocon familial très restreint de sa seule mère pour laquelle il n'y a pas d'attirance charnelle, mais une inhibition totale et naturelle. Les couleurs jouent du coup un rôle énorme : le blanc pour le coté enfant, naïf, innocent, et le rouge plutôt ambivalent désignant tantôt la pureté et l'enfance, tantôt l'amour et l'attirance. Un film où l'homme lutte contre ses démons (littéralement) et tente tant bien que mal d'aimer une femme, elle-même écorchée par la vie et qui aura un impact gigantesque sur son esprit.


Le titre trouve alors un sens : le labyrinthe des champs , où le champs est la vie et le labyrinthe ses détours et ses ratés.

Crillus
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le 22 déc. 2016

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