Certaines collaborations sont très fertiles. Martin Scorsese et Leonardo DiCaprio en ont une fructueuse depuis quelques années, qui aboutit cette année au Loup de Wall Street, adaptation de l’autobiographie de Jordan Belfort.
On retrouve aussi Terence Winter au scénario, ce dernier ayant pas mal collaboré avec Martin Scorsese ces dernières années. Et qui aurait attendu, de la part de ces deux-là une comédie très noire sur la descente aux enfers d’un type détestable, traitée sur le mode complaisant, pour encore plus accentuer la méprise que Martin Scorsese semble éprouver pour Jordan Belfort. En effet, en accentuant la complaisance dans les scènes de fête, démesurées et aussi folles que visuellement splendides, en ne perdant aucun excès en montrant Belfort frappant sa femme dans un accès de folie ou en le voyant craquer et exploser un oreiller pour y sortir des Quaaludes sans jamais s’intéresser réellement à la finance, mais plus à la trajectoire d’un homme, Scorsese et Winter nous mettent devant l’histoire d’un salaud ridicule, roi des bouffons, comme en témoigne les gens qui l’entourent, tous présentés comme des idiots (immenses Kenneth Choi & Ethan Suplee) ou des hypocrites (excellent Rob Reiner, sympathique apparition de Jean Dujardin).
Le véritable tour de force du film de Martin Scorsese, au-delà de nous attacher à Jordan Belfort alors que celui-ci est un salaud fini, c’est de transformer son cinéma pour offrir un objet cinématographique aussi neuf que passionnant pendant trois heures. Le Loup de Wall Street n’est pas Casino chez les traders, encore moins Les Affranchis à Wall Street, mais un film à part entière, grâce à son montage absolument fabuleux, ses multiples face-caméra burlesques, son rythme effréné et son refus de céder à la bienséance hollywoodienne. Ainsi, on suivra un Leonardo DiCaprio totalement défoncé essayant pendant de longs instants à ouvrir sa voiture. C’est comme cela qu’on traite un tel sujet et Scorsese l’a parfaitement compris. Bravo à lui. Les acteurs sont d’ailleurs exceptionnels. Leonardo DiCaprio est parfait, Jonah Hill, Margot Robbie et Cristin Milotti sont de parfaits contrepieds et Kyle Chandler y fait excellente impression, comme d’habitude, en flic tenace.
Le Loup de Wall Street est un long film qui semble passer comme une lettre à la poste tant il réinvente la façon de faire des biopics sans pour autant passer à côté de son sujet. Un immense film.