Le Magasin des suicides par Cinemaniaque
Pourquoi... Que peut faire un homme dans sa vie pour subir... ça...
Bon, je récapitule : à la base, une histoire sympa et originale (j'ai pas lu le livre, comme d'hab, et c'est peut-être pas plus mal vu le résultat). Même la bande-annonce laissait prévoir un truc sympa, un peu (beaucoup) humour noir, et sachant que Leconte a su faire preuve du mauvais goût à une certaine époque (Bronzés, entre autres), j'étais en droit d'attendre autre chose qu'un viol auditif. Mais je saute les étapes.
Voilà que le film commence : dessin sympa, animation intrigante mais plaisante, et quelques touches d'humour noir déjà distillées pour installer le truc. Tel un faon se promenant à l’orée d'un bois au petit matin, je suis loin de me douter qu'un connard de chasseur est sur le point de griller mon cerveau à coup de gros sel.
Le film commence donc. Fin du générique : bim, une chanson ! Record de vitesse battu ! Oh bon, allez, pas de quoi fouettez un chat... 'fin ils chantent faux quand même... Et ça rime pas... Ouais bon, petit dérapage, on va pas se flinguer pour autant.
2 minutes plus tard, nouvelle chanson. Un personnage déprime ? Le voilà qu'il chante "Je déprime". Marrant, on dirait le sketch de Gad Elmaleh sur les comédies musicales. Faut dire que jusqu'à présent, on vole pas plus haut que Kamel Ouali question pertinence des paroles. Ah tiens, une fois sur deux on comprend pas ce qu'ils disent. Un bien ou un mal ?
Ouf, 5 minutes de rabais. Et rebelote : "Je déprime bis". Et cela va continuer ainsi pendant 1h20 dont le double objectif semble, à termes, de faire passer les productions Disney pour des films muets et de forcer le spectateur à se rendre au dit magasin des suicides pour s'enfoncer de l'acide sulfurique dans les oreilles.
Tu fais chier, Patrice : toi qui a su faire preuve de verve une première partie du film, toi qui possède dans ta filmographie quelques moments de cinéma français incontournables (Monsieur Hire, Le mari de la coiffeuse) voilà que tu poursuis (comme depuis quelques années) dans ta veine guignolesque pas drôle. À l'heure où l'irrévérence d'un Shrek est déjà devenue consensuelle, tu ne dépasses pas le stade des productions Disney sans inspiration, à la différence que tu ne possèdes pas une solide équipe musicale derrière.
C'est d'autant plus dommage que l'animation mérite réellement le détour, se distinguant de ce qui se fait habituellement dans le domaine et trouvant, à cet égard, son entière place entre les colosses de Pixar et de Dreamworks. Oui, Patrice, ton ambition visuelle s'est avérée aussi payante que le supplice sonore de ton film a été digne des tortures de l'Inquisition. Heureusement que Justin Bieber n'est pas français.
Oh, faut pas croire : il y a aussi quelques soucis de scénario ! Entre une absence réelle de rythme, une disparition progressive d'humour au profit de ficelles narratives grosses comme cordes d'amarrage et quelques moments plus que douteux (la séquence de la danse dénudée de la soeur dans son entièreté), j'ai plus souvent regardé la montre de ma copine que je n'ai souri. Pas ri, souri.
Mais peut-être me méprends-je sur les intentions de Leconte. Peut-être le cinéaste, à l'instar de cette morale que n'aurait pas renié Schopenhauer et Nietzsche ("la vie, c'est plus cool que la mort quand même") se place en parfait humaniste et amène dès lors le Magasin des suicides vers un travail avec le spectateur. Et si Leconte nous disait, en toute simplicité et humilité "maintenant que vous avez perdu 1h20 de votre vie, ne trouvez-vous pas que la vie est trop courte" ? Ben réussi Patrice, tu ne m'auras plus la prochaine fois.