Tsar Academy

Une œuvre dense qui s’attache à retracer la trajectoire d’un stratège de l’ombre, Vadim Baranov, figure décisive du pouvoir russe depuis trois décennies. Guidé par une voix off qui ne nous lâche jamais, le film épouse les méandres d’une carrière énigmatique portée par Paul Dano, acteur caméléon dont la sobriété et l'antipathie du personnage fascinent. En face, Jude Law incarne un Vladimir Poutine froid et résolu, précis dans ses gestes et ses mimiques (son sourire inversé, ses prises de parole efficaces, sa manière de s’asseoir…) sans tomber dans la caricature. Olivier Assayas a d’ailleurs la pertinence de ne pas diaboliser le tsar comme s’en seraient mépris plus d’un ; au contraire, ce dernier apparaît davantage comme un symbole que comme un réel personnage. Ses apparitions ont quelque chose de fantomatique et c’est au spectateur de le juger indépendamment du métrage.

Le récit se veut compact et exigeant : il faut accepter ses longueurs, surtout lorsqu’il s’attarde sur l’intimité de Vadim Baranov, au risque de diluer la tension politique. Sa structure chronologique est, à mon goût, trop sage : elle enchaîne les grands jalons de la Russie contemporaine comme autant de repères obligés. L’effet qui en ressort nous rapproche davantage de la narration documentaire (voire du reportage) que du biopic effréné, ce qui affaiblit un film au rythme pourtant intense. Mais dans ses meilleurs moments, le film saisit la mécanique du pouvoir et l’art de la manipulation avec une intensité rare, comme le prouve la première rencontre entre Baranov, Poutine et Berezovski.

Comme le réalisateur l’a évoqué durant la session de questions-réponses à la fin du visionnage, envisager l’adaptation du livre de Giuliano da Empoli sous forme de série aurait eu tout autant de sens, au vu de la densité (presque grossière et mal gérée dans le film) du sujet abordé. Un épisode par époque, par exemple, aurait été rudement efficace.