François Merlin écrit des romans de gare.
Reclus dans son vieil appartement, il regarde passer le train-train cahotant de sa vie monotone, l'oeil las et blasé caché derrière la fumée épaisse de sa goldo. Rien ne va en ce moment.
Tout le monde se ligue pour l'empêcher d'écrire: Sa femme de ménage, le plombier, l’électricien et surtout son manque d'inspiration.
Perdu devant sa machine à écrire, François ne parvient plus à donner la chair suffisante à son Bob Saint-Clar de héros. Et de la chair, il en faut pour modeler ce double littéraire encombrant.

C'est un espion. Un agent secret qui n'est plus secret; l'agent Français le plus connu et reconnu des barmans des palaces du monde entier.
Un sourire Ultra-brite qui explose d'une mâchoire carrée comme le pare-chocs de sa caisse flambant neuve.
Un aimant à gonzesses engoncé dans un moule-burnes d'un blanc immaculé. Un séducteur au regard de braise, aux abdos d'acier passant ses nuits blanches à siroter des mojitos et à cajoler des culs de toutes les couleurs.
Un héros décontract' et rigolard, évitant les balles de mitraillettes en sautillant de coussins en coussins et capable d'enrhumer une demi-douzaine d'enfoirés d'un seul coup de boule.
Héros absolu, couillu et indestructible pour les hommes. Sex symbol implacable, fantasme viril et turgescent pour la gente féminine.

Voilà le portrait de Bob Saint-Clar, héros survitaminé et double cannibale de François Merlin.

Plus qu'une pochade populaire franchouillarde et bonne enfant, c'est d'un conte philosophique qu'il s'agit, d'une fable colorée et sans prétention.
De Broca nous invite à une "réflexion" amusée et amusante sur le processus complexe de création et sur le fantasmatique et enivrant: "I'd like to be".

C'est un rêve vieux comme le monde et le questionnement existentiel qui te poursuit depuis tout môme:
Qui es-tu et qui voudrais-tu être ?

Gamin mal à l'aise dans ses baskets, les yeux et le moral qui traînent par terre devenant l'égal de ses idoles Rock'n'Roll. Sa petite chambre triste comme la pluie devient New-York et son lit grinçant la scène lumineuse du Madison Square Garden.
Ado priapique et boutonneux avec une bouche bardée de fil barbelé voyant les belles du collège lui passer sous le slip pour s'épancher sur les épaules solides de footballeurs décérébrés, se transformant tout à coup par la magie de l'imagination en star du grand écran beau comme un Dieu Grec et gobant les langues des actrices mythiques d'Hollywood.
Ou comme François Merlin: Un petit écrivaillon solitaire et timide s'inventant un personnage débridé, espion bigarré et dragueur invétéré.

Réflexion décalée et euphorisante sur la création artistique et la crainte de la page blanche.
Une sorte de "Barton Fink" grand public. Un "Barton Fink" bien calé dans la musette de Bébel entre la baguette, le kil de rouge et le sifflard.
Véritable "Docteur Jekill and Mister Hyde" fun et pétaradant où un créateur timoré se retrouve cannibalisé par sa propre créature. Un monstre désinhibé et castrateur dévorant la créativité, les traits physique et la vie de son géniteur au travers d'une page blanche.
Où une simple machine à écrire devient la porte dimensionnelle vers l'égo fantasmé, vers un double amélioré.
Mais une machine à écrire comme une barrière à la réalité, une entrave à l'amour.
Il va falloir se débarrasser du miroir déformant et retourner se regarder dans l'eau claire pour se retrouver.
Il va falloir que François Merlin tue Bob Saint-Clar pour exister, pour enfin aimer.

Il parviendra à le tuer et se retrouvera. Il jettera par la fenêtre cet espion indestructible, cet immortel Apollon et partira vers l'amour en piétinant avec dédain le corps de son ennemi.
Cet ennemi tant redouté dont il ne reste qu'un manuscrit froissé étalé par terre et quelques feuillets raturés volant encore dans la cour de son immeuble.
Ze_Big_Nowhere
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le 4 févr. 2015

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Ze Big Nowhere

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