Après plusieurs films sur la vie des villes et notamment le brillantissime "Drive my car", Hamaguchi change de décor, direction le calme de la campagne ! Un calme qui se verra perturbé par des citadins qui s’aventurent en terres inconnues.

Pour la forme, nous sommes face à du pur cinéma :

Ce film c’est tout d’abord une musique. Musique à partir de laquelle le film fut imaginé. Musique qui se déploie, qui englobe tout. Musique n’est pas qu’illustrative mais qui laboure, qui creuse. Musique qui nous raconte une histoire.

Ce film c’est aussi une image. Image dont le rendu est ouf. Image qui a une texture, une lumière, une couleur. Image qui représente la nature, l’eau, la végétation avec une extrême pureté. Il y a quelque chose de divin dans cette image, presque d’irréel. Je n’ai jamais vu ça auparavant. Rien que pour ça le film vaut le détour en salle.

Ce film nous gratifie également de longues scènes (quasiment) interminables, où l’on voit notre protagoniste couper du bois : une buche, deux buches, trois buches, quatre buches…… 20 buches. Puis il remplit un bidon d’eau, deux bidons d’eau, 3 bidons d’eau…. 8 bidons d’eau. Des séquences qui montrent la vie à la campagne, le coté répétitif des taches, des journées, de la vie.

Sur le fond, Hamaguchi nous présente une fable écologique opposant des citadins venus créer une sorte de camping de luxe et des villageois soucieux de préserver leur nature et éviter que cette dernière soit bousculée pour enrichir d’avantage ceux qui ont déjà le sou.

Justement, il y a une scène géniale de 20 minutes où ces deux mondes se font face. On y rentre avec les villageois (et donc avec leur point de vue) et on sort avec les deux employés de la startup Tokyoïtes. La vraie complexité du film est là… Hamaguchi épouse tous les points de vue. Le spectateur n’éprouve donc pas d’hostilité ni envers les locaux, ni contre nos deux rats des villes.

On retrouve justement nos deux compères dans une scène aussi triviale que puissante. Les deux échangent lors d’un trajet en voiture (Drive My Car) où l’on décèle toute la vie des personnages : leurs doutes, leurs peurs, leurs désirs. Le tout en seulement 4 minutes. Du pur cinoche.

Ja parlais plus haut de la complexité de ce film… il est vrai que malgré le coté très saint de cette vie très saine, on a une désagréable impression d’étrangeté : des questions sans réponses, une musique envoutante certes, mais qui par moment s’interrompt brusquement, un ciel changeant... On a presque le sentiment d’être dans un film d’horreur… avec un grondement latent, une tension palpable. Mais aussi des coups de fusils au loin, une fille qui s’enfuit sans cesse, une mère qui n’apparait qu’en photo sans jamais être évoquée…

Et puis, le film bascule complètement avec une fin tragique, la jeune Hana disparait dans la foret et au moment où son père et le citadin s’approchent d’elle, le père s’attaque à l’autre semble le tuer en l’étouffant… mais… JE N’AI RIEN COMPRIS A CETTE FIN.

Je pense que la petite fille est morte depuis le début du film. Son père oublie tout le temps d'aller la chercher à l'école, avec une même mécanique et systématiquement rappelé par... un coup de feu entendu au loin. Les scènes avec l’enfant, avec la maîtresse ou celle de la battue seraient donc des flashbacks ? La traque finale servant juste à attirer le Tokyoïte dans le foret pour le tuer et enrayer le projet de camping ?

Bref j’en sais rien… j’ai pas tous compris et à vrai dire peu me chaux. A l’instar de la poésie du XVe siècle : j’ai rien compris mais qu’est-ce que c’est beau !

8,5/10

VicEpicurieux
8
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le 18 avr. 2024

Critique lue 15 fois

VicEpicurieux

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