Les premières minutes du menu sentent bon, on ne perd pas de temps et on est vite confortablement installé devant le film. Mais il est moins intelligent qu’il ne le croit. L'important en cuisine, c’est l’équilibre des goûts. Ici, tout est trop écrit, trop réfléchi. On ne nous laisse pas le temps de comprendre par nous-mêmes ce qu'on nous sert. C'est un peu comme ces serveurs insupportables qui nous racontent ce qu'on s’apprête à manger alors qu'on a juste faim et qu'on comprendra vite ce qu'on met en bouche.
Les personnages sont tous des "personnages types", pas de place pour la nuance et ce n’est pas par manque de temps, car le film semble long. Ça se ressent jusqu’au casting. Ralph Fiennes est un superbe méchant, peut-être l'un des meilleurs de l'histoire du cinéma depuis La Liste de Schindler. Il est entré (avec moins de tact) au Panthéon des vilains en Voldemort. Nicolas Hoult en jeune premier insupportable n’a jamais su jouer autre chose. Le premier plan du film et son petit sourire satisfait suffisent à le caractériser pour tout le reste du métrage. Anna Taylor Joy, quant à elle, c'est la fille différente, avec son regard de requin marteau. Son entrée dans le monde du cinéma avec The Witch nous laisse penser qu'elle est trop différente pour être impressionnée par la sophistication, mais on apprend au cours du film que c’est une prostituée. Le cinéma apprécie également la finesse, la nuance et la subtilité…
Le film comporte donc trois types de personnages : les méchants (mais parce qu'ils ont été opprimés), les riches qui sont foncièrement mauvais et la jeune prostituée rebelle.
Le film se vend comme un Whodunit/Chasse à l’homme, mais il n'est rien de tout cela. Son concept a le mérite d'être plus original qu'une énième réécriture d'Agatha Christie ou de Battle Royale. Malheureusement, le concept seul ne suffit pas. La représentation de l'influence du chef sur son équipe (évidemment exagérée pour les besoins du scénario) n’arrive pas à être crédible et les rares moments où on ne sait vraiment pas à quoi s’attendre (quand un des membres de son staff semble douter, l’arrivée du sauveteur) ne sont jamais utiles au développement de l’intrigue, juste des fausses pistes placées là artificiellement pour créer un effet "waou" que même les acteurs semblent avoir du mal à incarner.
Ajoutez à cela des scènes inutilement longues et sans intérêt pour la suite de l'histoire. La chasse à l’homme n'a typiquement aucun impact sur le reste de l'histoire, sauf pour séparer les hommes des femmes pendant cinq minutes et pour voir que le barbu a droit à un œuf à la coque.
Je comprends et suis même particulièrement sensible à l’idée qu’il faille tout remettre en question dans notre rapport à l’art, au travail et à la recherche de la perfection. Mais selon moi, le salut ne viendra jamais d’un cheeseburger, de la médiocrité rassurante, ce qu'incarne la film au final.
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