janv 2011:

Le nom des gens est une gentille comédie romantique, pas conne mais plus émouvante que drôle. L'aspect comique du film ne m'est pas apparu très neuf ni original. Bahia (Sarah Forestier) qui se retrouve nue dans la métro par étourderie est le type même de gag trop gros pour être drôle par exemple. D'autre part, le comique politique risque guère de ne faire sourire que les convaincus.

Non, définitivement, je crains qu'il ne faille pas aller voir ce film pour rire, il ne sait pas trop y faire, par contre ce serait vraiment dommage de passer à côté de cette histoire d'amour peu commune entre deux personnages suffisamment complexes pour être vrais, d'une agréable fraîcheur et dessinés avec finesse, jamais tout d'un seul bloc.

Leur histoire d'amour dépasse les enjeux romantiques pour évoquer des thèmes beaucoup plus généreux sur la société française actuelle. On entre là dans un domaine encore politique, pas d'une manière partisane ou doctrinaire mais plutôt celui d'un état d'esprit, d'une attitude citoyenne face justement aux agressions sociales, politiques et médiatiques. Sur ce point le film apporte un point de vue tranché par le biais de Bahia Benmahmoud, un personnage plein de contradictions, à la fois anti-raciste farouche mais finalement tout aussi borné et limité par ses certitudes catégoriques. De ce point de vue, le film permet de développer une réflexion intéressante. La France qui est décrite ici est celle que les sondages s'ingénient à étouffer, elle s'adapte aux aléas de la vie, elle ne passe son temps à se lamenter sur son sort, à déprimer ou à s'angoisser sur les catastrophes sociales, économiques ou naturelles qui pourraient éventuellement s'abattre un jour peut-être sur elle. Alors certes, Michel Leclerc n'est pas le premier à raconter la France métisse et réelle, ouverte et progressiste, mais cela fait toujours du bien de voir un film proche de la réalité, qui ne recrache pas les stéréotypes du genre. Ne serait-ce que ce couple qui se forme : elle est arabe, mais n'est pas musulmane, il est juif mais ne pratique pas. Déjà, ça, c'est un point qui passe malheureusement pour être original. C'est bien dommage mais l'on nous sert bien trop souvent encore de ces comédies où les communautarismes n'en finissent pas de s'affronter. Ici, point de tout cela : on est juste passé à autre chose.

Et puis le couple Jacques Gamblin / Sarah Forestier est particulièrement bien assorti. Leur histoire a de jolis atours. Sur un canevas somme toute classique, leur rencontre se bâtit doucement, avec tendresse et sensualité grâce au talent des deux comédiens et la très juste écriture de Baya Kasmi et Michel Leclerc. Même s'il respecte peut-être un peu trop les balises du genre romantique, le scénario produit une certaine fraîcheur en nous proposant des personnage qui évoluent tout le long du film avec leurs difficultés, leurs blessures. Forcément, cela donne aux spectateurs l'envie irrépressible de les voir heureux ensemble. Ils sont bougrement attachants.

Pour finir, j'ai particulièrement été ravi de découvrir des chausses-trappes dans le récit pas toujours aussi linéaire, les personnages prenant des directions inattendues par moments. Si Bahia se laisse un peu orientée par des clichés, le scénario demeure très vif et hardi, libre surtout, sortant des sentiers battus avec bonheur.

Sarah Forestier est éclatante, électrique, passionnée et ultravertie : une Catherine Deneuve des années 2010 en quelque sorte. Efficace, elle impose à Jacques Gamblin un sourire béat, souvent, inquiet, quelques fois. Le comédien trouve ici une partenaire de jeu bondissante. Une belle partie de ping-pong.

Donc un petit film multicolore, dynamique, très agréable.
Alligator
7
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le 16 avr. 2013

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Alligator

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