On se fout régulièrement de la gueule des Etats-Unis et de leur habitude de faire des remakes made in Oncle Sam dès qu’un film étranger rencontre un minimum de succès. Pour les films français remakés, on peut citer pêle-mêle : Intouchables > The Upside ; La Famille Bélier > Coda ; Taxi > New York Taxi ; A bout de Souffle > A bout de Souffle made in USA (là franchement, ils ne se sont pas foulés) ; Un Indien dans la ville > Un Indien à New York ; Le Diner de Cons > The Dinner ; Le Père Noël est une ordure > Joyeux Noël… et la liste est longue. Mais il faut savoir parfois regarder son propre pré carré.
Le Panache est clairement un remake (non assumé) du Cercle des poètes disparus. Officiellement, le classique de Peter Weir n’est qu’une référence cinématographique parmi d’autres (la réalisatrice parle également de Stand by Me, ou du Discours d’un roi pour le personnage du bègue). Mais les similitudes sont tellement flagrantes qu’on se demande s’il n’y a pas un petit manque d’honnêteté là-dessous… Et quand, dans le dossier de presse, la réalisatrice se défend de la comparaison, cela prend des airs de justification : « Comme Keating [le professeur du Cercle des poètes disparus], Devarseau révèle les jeunes à eux-mêmes et éveille leur conscience. Il va transformer leur vision des choses et marquer à jamais leur vie. Mais je crois que la comparaison s’arrête là ». On se dit « mouais, belle tentative l’amie, mais on ne nous la fait pas à nous… ».
Le Panache raconte l’histoire de Colin, un jeune de 14 ans qui débarque dans un nouveau collège très catho, après une expérience malheureusement dans son précédent lieu d’étude. Colin est bègue : construire une phrase lui prend une éternité, et sa difficulté à s’exprimer est souvent objet de railleries. Il est dans la classe de Monsieur Devarseau, un prof de français passionnant et peu conventionnel, vacataire fraîchement arrivé, qui s’occupe de l’atelier théâtre extra-scolaire. Grâce à lui, et au projet annuel de monter le classique d'Edmond Rostand Cyrano de Bergerac, Colin va progressivement prendre l’assurance qui lui manque et s’épanouir.
Ici, la poésie est remplacée Cyrano, sans doute la pièce de théâtre la plus connue, le slogan du professeur « Carpe Diem » est remplacé par la célèbre réplique « Non, merci ! », Mr Devarseau connaît la même trajectoire que Pr. Keating (fraîchement arrivé dans l’institution, mais son ouverture d’esprit gêne l’équipe en place, il est rapidement remplacé par un enseignant plus austère et conformiste). Même la scène des cris d’émancipation dans la cour est ici copiée, à travers l’incarnation des poules et des bananes.
Le Panache est la 4e long métrage de Jennifer Devoldère, à qui l’on doit notamment Sage-Homme, comédie gentillette sortie en 2023. Les poncifs et thématiques du moment – le coming out, la pensée wokiste, etc – sont distillées tout au long du film, parfois un peu maladroitement, comme s’il était important ou nécessaire d’y faire allusion.
L’intérêt principal de ce nouveau cru est la prestation de José Garcia – qui interprète donc le professeur – investi et crédible en amoureux de la langue française. Le film essaye maladroitement de donner un semblant de background à son personnage, mais cela n’étoffe pas vraiment son rôle.
Réalisé sans brio (oui, sans panache), le long métrage fait tout de même passer un moment agréable et divertissant. Rien d’incroyable, du déjà-vu en rien novateur, mais un petit plaisir de spectateur à retrouver José Garcia véritablement impliqué dans un rôle. Comme titre de critique, la réplique phare "Non, merci !" était toute trouvée, mais le film ne mérite pas une telle aversion.