Fresque

Fresque épique aux relents de tragédie grecque, "The Godfather" suit la ou plutôt les familles Corleone ; celle du sang tout d'abord, le film s'ouvrant d'ailleurs sur le mariage de la fille et l'autre famille, celle du crime avec ses avocats, lieutenants et autre consigliere tous sous les ordres du Don, patriarche et figure tutélaire de la communauté, tirant les ficelles à l'abri des regards.

Une grande importance est donnée à la tradition, Sicilienne pour le coup, et à la manière avec laquelle celle-ci est transmise, ou non d'ailleurs, aux générations suivantes. Au sortir de la seconde Guerre mondiale, le monde du crime se réorganise et commence à délaisser l'alcool et le jeu comme sources de revenu principales afin de se tourner vers la drogue, autrement plus lucrative. La rigueur morale de Don Corleone l'empêche d'épouser ce changement ce qui lui vaudra de se mettre les autres familles de New-York à dos, déclenchant ainsi une vendetta d'une rare violence. Le trajet du film est double, chacun de ces constitutifs étant d'égale importance. D'une part, la refonte de l'organigramme de la famille du fait de cette guerre dévastatrice et de l'autre, la manière avec laquelle la communauté, en crise, parvient à se régénérer afin de péricliter, la jeunesse prolongeant l'héritage des anciens tout en s'adaptant aux nouvelles exigences du monde contemporain.

En partant d'un particularisme et en insistant sur les rites de la communauté avec une rigueur documentaire, Coppola dévoile en réalité l'essence du fondement de l'Amérique en tant que nation, dont les différentes communautés constituent à la fois des entités propres et des parcelles de la nation une et indivisible.