Jeu d'échos de Coppola:son art d'inclure d'autres formes d'expression dans plan.&Corleone en Christ?

(Je me liste juste pour cette version 1990 mes remarques désordonnées sur sa version 2020).
Je republie suite à épatant texte de Star-Lord alias Peter Quill.


Les échos de Coppola: pour raconter et multiplier des effets et infos, il utilise entre autres dans ses plans des miroirs, des photos et autres oeuvres d'art créant un effet 4D à son film.
J'aime surtout aussi l'utilisation de sculptures, de la pièce de Marionnettes et bien sûr l'utilisation d'un Opéra.

__J'ai toujours aimé l'utilisation de miroirs dans les films (que je liste depuis que j'ai vu se parler tout seul Marlon Brando en militaire fou dans un John Huston).
En général ces miroirs sont aussi épatants dans tous les Coppola,
mais dans 'Le Parrain III', leur utilisation est encore plus pertinente: eg. Keaton/Garcia/Pacino auront chacun leur reflet/double.
Par exemple, Keaton est vue dans le verre d'une photo d'elle et Pacino,
ce qui fusionne/résume deux périodes et deux films en un seul plan.
Mais aussi des reflets seront utilisés dans l'appartement de Garcia et ses miroirs: c'est l'usage que je préfère, dans la scène de home-invasion qui semble devenue si banale tant il y en a dans tant de films, mais celle-là les dépasse toute.
Coppola utilise des miroirs (et même photos) pour multiplier en un seul plan le nombre de personnages à l'écran. Ajoutant même la figure paternelle James Caan dans les scènes: Caan partage la scène dans la chambre (le père dans la chambre, un oeil sur les ébats sexuels du fils?),
mais le père est aussi dans le salon où Garcia exécute les deux sbires.
J'aime la mise en scène de cette exécution où Coppola arrive dans un espace réduit à l'aide de miroirs et photos à mettre en un seul cadre 4 puis 5 personnes avec des acteurs pourtant très espacés, voire pas là physiquement.


Comme d'autres réalisateurs mais mieux, il sait utiliser des oeuvres d'art pour ajouter une épaisseur et lectures possible: oeuvres qui comme des miroirs reflètent une scène et éclairent une de ses facettes.
___Par exemple, Pacino partagera son temps d'écran avec une sculpture de Christ derrière lui.
Comme quand Garcia/Vincent renonce à l'amour, il partage aussi l'écran avec le Christ.
___Ou alors le plan inclura une ancienne photo des trois personnages de la scène actuelle.
___Ou alors Keaton et Pacino en vadrouille, croise une pièce de théâtre de marionnettes qui fait écho à ce qu'ils vivent, ont vécu, et surtout discutent à ce moment là préçis.
La marionnette dit "aimer son cousin" juste lorsque Michael et Kay discutent de l'amour de leur fille pour son cousin. Son père Michael, comme la marionnette du père, désapprouve "c'est mal et dangereux".
Le générique précise que ce théâtre ambulant existe: "Opera dei pupi di Mimmo Cuticchio".
Autre écho, autre miroir, Coppola utilise la mise en scène de la foi pour représenter des doubles de ses personnages dans une autre dimension temporelle, au sein de la même scène où on les voit:
car Kay et Michael disent tout ce qui précède sur un fond de mariage sortant d'une église,
devant donc leurs sortes de doubles mais en plus jeunes, quelques années plus tôt.
___Et bien sur Coppola utilise l'Opéra et ses scènes que l'on retrouve disséminées dans le film et dans la vie des protagonistes (spectateurs d'une oeuvre, regardés eux-mêmes par nous).
L'Opera en un acte à la fin en gros plan a des liens avec la scène suivante et le film lui-même:
Ils écoutent "Cavalleria rusticana", une histoire aussi de vengeance comme est par exemple l'assassinat au poison de Don AltoBello/Elie Wallach.
Une histoire "imprégnée du sombre présage du drame imminent et inévitable": ce qui arrive dans la scène suivante dans les escaliers.
Sur la scène de l'Opéra et "comme le veut la coutume sicilienne avant un duel, les deux hommes" s’embrassent voire se mordent l'oreille ("Turiddu mord l'oreille d'Alfio"),
exactement comme Vincent Corleone a mordu Joey Zaza dans le bureau plus tôt.
Suite à la mort de son enfant, le personnage de l'Opéra s’effondre en poussant des cris d’horreur et de désespoir. Le rideau tombe précipitamment sur un "hurlant vivacissimo orchestral" (wiki),
comme le seront les cris d'abord silencieux de Michael/Pacino.


_Plus classique, Coppola fait aussi parler l'architecture: lors de la réunion mitraillée à Atlantic City,
il la filme dans "Le Chateau de Trump" (**"Trump Castle casino resort"**).
_
La mode bien sûr (oui oui c'est une forme d'art et d'expression): des costumes sont même utilisés pour terminer des touches sur son cadre, son tableau visuel.
Coppola transforme en quasi prêtre Pacino: il donne une impression de col romain d'un élève prêtre à Pacino quand il arrive justement à Rome (c'est le plan à l'arrière de la voiture lorsqu'elle passe justement devant le Vatican même).
_ Des bijoux et objets aussi sont même utilisés pour terminer des touches peut-être subliminales ou impressionnistes: par exemple, les boucles d'oreilles de Sofia/Marie lors de la scène de rupture ne semblent pas choisies au hasard et contribuent en tout cas à l'impression générale réussie de profonde tristesse et déchirement (elles 'pleurent' aussi).
Lors de la scène à l'hôpital: Kay regarde Michael malade, au teint de cendres, il est cireux.

Coppola fait alors cohabiter en géant Diane Keaton à l'écran avec une énorme urne rouge sur la table basse de sa salle d'attente.
__Coppola utilise même l'art de la chanson populaire: en gros plan, chantée par le fils à la guitare sur le fameux air (Anthony joué par Franc D'Ambrosio (star de chanson&comédies musicales dont Le Fantôme de L'Opéra et Sweeney Todd).
Cette chanson non seulement résume tout le premier Parrain I mais elle présente/rappelle le 'Michael, être humain amoureux',
et surtout lui fait aussi réaliser que sa fille et Vincent s'aiment vraiment, comme lui aimait quelqu'un aussi en Sicile. Coppola utilise la chanson pour faire d'une pierre, trois coups.


Lors de mon re re visionnage de la version Coda en 2020, je notais aussi:
____La scène de la confession, longtemps ma préférée, m'avait ému à nouveau.
J'avais oublié combien Raf Vallone joue juste la bonté.


______La VF est décidément très crédible:
Sylvain Joubert, mort si jeune en 2000, est Pacino.
Bernard Brieux/Gabay doublant Andy Garcia, est tout aussi brun et pacinesque que lui. (Doubleur de bruns?^^ car aussi celui d' Antonio Banderas, Robert Downey Jr. et même justement John Leguizamo/Benni du Bronx).
Celle qui double Connie/Talia Shire, la soeur, lui ressemble aussi, Nadine Alari.


___La scène de rupture est décidément très crédible.
J'ai vraiment cru cette fois au couple de cousin/ cousine, Mary et Vincent(Andy Garcia).
Sofia Coppola, tant décriée, est dans cette scène là, très vraie, belle et joue juste.
Ses boucles d'oreilles si longues qu'elles en pleurent aussi sur ses épaules...


___Je n'ai que récemment découvert que Sofia Coppola était déjà dans TOUS les précédents Parrain. Car dans le 2, elle serait déjà sur un bateau lors de scène des immigrants à la Statue de la Liberté.
Et elle jouerait ...Al Pacino, son père Michael Corleone, mais bébé dans le 1e épisode!
(c'est assez psychanalytique par accident).


_Au sujet du parallèle, certes désormais incontestable, entre la scène à l'Opéra et la scène d'assassinat finale, Coppola pousserait- t- il jusqu'à faire de Michael une figure christique? Ce n'est pas certains mais:
Le trio sur scène de "La Madone, La pleureuse se couvrant d'un foulard noire et le Christ" font penser au trio dans les escaliers, à Mary..., Connie et Michael:

Lors de l'Opéra à la fin, sur scène il y a encore une Madone portée (comme plus tôt dans le film),
puis encore un Christ en croix,
puis une femme qui se couvre la tête d'un foulard noire.
Et on retrouve toute cette disposition sur les marches à la fin.
On peut en penser que sa fille (prénommée Marie...) est La Madone,
sa soeur se met aussi le foulard noire sur sa tête comme dans l'opéra,
donc ça ferait de Pacino le Christ de la scène ou au moins une figure christique.
Il finit même mi- allongé comme celui sur scène soutenu aussi par ses hommes aussi, comme Jésus sur scène.
Coppola lui avait donné un col romain de prêtre lorsque à Rome: JC serait une promotion.
Cet opéra apparaîtrait déjà en chanson "dans 'Raging Bull' de Martin Scorsese en 1980,
dans 'Le Bossu' de Philippe De Broca en 1997 (selon wiki)
et en citation dans 'À l'ombre des jeunes filles en fleurs' de Marcel Proust en ...1919
et dans 'La Nausée' de Jean-Paul Sartre en 1938".


____Je vois enfin mieux l'épatante scène des Unes de journaux: où Coppola fait clasher à la façon de Ken Loach, une info sociale et financière.



"L'expansion et la Reprise d'Immobiliare" et surtout "l'envolée de la valeur de ses actions"
partagent très clairement tout le cadre avec des infos très misérabilistes et graphes descendants sur "les aides sociales et retraites des soldats vétérans" pauvres.
Coppola met donc en parallèle la bonne nouvelle pour des actionnaires d'une "blanchisseuse d'argent sale" avec l'appauvrissement de vrais soldats.
Plus tard Pacino/Michael osera même un autre parallèle quand il présente les mafieux comme des "révolutionnaires indignés." (sic)
C'est lorsqu'il justifie à sa soeur les "premiers mafieux" comme étant des gens qui se révoltaient "Pour ne pas devenir esclaves des riches...pezzonovante"
(l'expression complète serait "Pezzo da novanta".)
Pacino/Michael a même le culot de reprocher à Garcia/Vincent d'avoir préféré "l’extorsion de fonds à d'honnêtes commerçants et travailleurs" plutôt qu'un poste légal qu'il lui avait offert...
(Pacino a la mémoire courte, quasi de soudain quasi syndicaliste, pensant soudainement aux pauvres "Travailleurs" comme disait Arlette Laguiller).



____Une scène des plus minimalistes visuellement est pourtant une scène des plus clé, du point de vue de l'histoire financière de la famille et du pays: une simple signature lors d'un simple petit déjeuner.
Signature qui est en fait bien plus violente et meurtrière dans ses conclusions, que toutes les victimes de morts violentes de tous les Parrain réunis.
Même si les crimes de cette toute simple signature sont eux hors-champ, ils dépassent en fait le nombre de morts visibles dans les Parrain.
Ce Parrain III est en effet sur l'évasion fiscale assassine par le truchement de Fondations (et de paradis fiscaux): pour ceux qui auraient regardé la mini série 'Private Banking' d'arte, je pense que par cette simple signature, Corleone, devient comme l'évadeur fiscale d'Afrique du Sud 'Trueman Mokwena'.
L'avocat si classieux et poli, bien choisi George Hamilton qui je crois est même meilleur que Robert Duvall à ce moment là précis, visuellement, pour la scène: il est un de ces ennemis de l'intérieur super propre sur lui et en blazer, mais contre l'Etat qu'il ruine par le truchement des simples papiers qu'il fait signer "pour la création de la Fondation".
Une sorte de 'terroriste' de la Finance au nombre de victimes bien pire que le terrorisme explosif et mitraillant.
C'est un outil d'évasion fiscale dont les conséquences sur les Etats sont très mortelles pour les citoyens (certes, indirectement).
Francis Ford Coppola et Mario Puzo me parlaient donc déjà en 1990 sans que je les entende, d'infos que j'ai ensuite entendues confirmées dans les émissions d'Envoyés Spécial et Complément d'enquête.
Corleone/Pacino hypocrite, souligne quand même le changement d'échelle par rapport aux pratiques de son père:



"qui détestait lui les Fondations. Il aimait agir par lui-même, d'Homme à Homme".
Au couteau, au fusil à canon scié etc.
Et ces "milliers de milliards qui manquent aux Etats" selon les journalistes Lhomme&Davet tuent des citoyens comme le font les mafieux mais indirectement.
Donc cette courte scène banale de signature et création d'une Fondation à un tout petit déjeuner n'est pas anodine mais meurtrière.
Pacino/Michael sous-estime Joey Zasa contre les conseils de Garcia/Vincent,
comme Pacino/Carlito sous-estimera Benni du Bronx contre les conseils de Guzman/Panchanga
(dans 'L'Impasse' en 1993 avec quasi des mots équivalents).
Mais en matière de tueries et menaces fiscales, nos sociétés sous estiment, elles, les terroristes et mafieux de la Finance alors que des Puzo/Coppola/Davet/Lhomme/Lucet... tentent de nous ouvrir les yeux.
Les mafieux ressemblent à Georges Hamilton, pas à Jawad Bensaoud:



ce qui est mieux résumé par Corleone lui-même à sa soeur quand il lui dit:

"Connie, toute ma vie, je n'ai cessé d'essayer de m'élever dans la société, où tout est légal, direct et net. Mais le plus haut je montais, le plus tordue et frauduleuse elle devenait".




____En revanche, je n'aime toujours pas cette n-ième représentation dans un film de cette pseudo hiérarchie factice dans la morale des mafieux (on la retrouve par exemple dans le récent Guy Ritchie, 'Un homme en colère', où ils sont pourris mais 'ne font pas eux dans la pédophilie'),
les Corleone ne feraient pas eux dans la drogue dure.
Mais pire, ils associent la drogue "qu'aux noirs".
D'après les dialogues lors de la réunion à Atlantic City et de sa soeur à la 1e réunion Vincent/Joey:



la drogue est apparue "qu'à partir du moment où Zaza a embauché des noirs"
(dit Talia Shire/Connie)
"...(homme de l'année) parce qu'il engage des Noirs, ce qui montrerait son grand coeur" (Mantegna/Zasa).



En conclusion de toutes ces minis remarques éparses:
Coppola sait utiliser d'autres formes d'art et surtout leur rendre hommage au passage: la photo, la chanson populaire (chantée par le fils), les marionnettes, l'Opéra, la Joaillerie, la sculpture.
Elles ont toujours un lien avec la scène et l'enrichissent ou lui répondent.


______Je regrette amèrement l'abandon du projet avorté de l'épisode IV sur le règne de Vincent sur les Corleone.
Il aurait été sans doute très violent: déjà qu'on entend dans le 3 qu'il a l'habitude de jeter "des ennemis d'hélicoptère", on entend même Michael dire qu'il lui avait offert un poste légal qu'il a refusé et a préféré travailler comme "maquereau et l’extorsion de fonds de commerçant et travailleurs".
Et lors de l'attaque de la réunion, il se protège avec le corps d'un invité qui semble vivant...

PierreAmo
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le 23 déc. 2020

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PierreAmo

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