La traversée du repenti

Un film déroutant à la fois pour sa simplicité et son improbabilité. Un bellâtre athlétique décide d’entreprendre un itinéraire à la nage jusqu’à sa propre demeure en visitant les piscines de quelques résidents d’un quartier cossu. Sur son parcours, ils croisent des gens heureux de le retrouver et d’autres qui au contraire le répugne en le liant à de mauvais souvenirs. Métaphoriquement, nous assistons au chemin de croix douloureux d’un pervers narcissique repentant. Au fil de sa traversée, qu’il a baptisé du nom de son épouse, on apprend que Ned Merrill est un fieffé menteur, qu’il a fait preuve d’un manque de compassion envers des gens proches, qu’il a blessé plusieurs cœurs et qu’il se retrouve sans le sou. Lorsqu’il finit échoué devant sa maison verrouillée et abandonnée par sa femme et ses filles, on comprend l’ampleur de sa détresse et les motifs de son autoflagellation. Le caractère insolite de l’action nous rapproche de la fable bien que l’on demeure dans un univers hyperréaliste. C’est ce qui contribue à la mémorabilité de l’œuvre. Difficile de savoir à qui revient le mérite entre Frank Perry qui a remis le relais en cours de route à Sydney Pollack pour cause de divergence de vision avec le producteur. Quoiqu’il en soit, l’œuvre repose sur les larges épaules de l’un des acteurs les plus séduisants et talentueux que les Américains ont fournis au cinéma en Burt Lancaster. La star vêtue tout au long du film d’un simple maillot de bain, qu’on lui enlève le temps d’une séquence, plonge généreusement dans l’aventure rendant ainsi crédible l’invraisemblable.