sept 2009:


Film singulier dans les filmographies de Verneuil, de Gabin et même celle d'Audiard. Si l'on se réfère à sa seule trame générale, on pourrait se tromper à n'y voir qu'un film politique. Naturellement, ces trois hommes de cinéma populaire ne pouvaient toucher à ce genre sans y incorporer leurs ambitions spectaculaires à but divertissant. Les plus méchants diraient plutôt "lucratif". Plus qu'une présentation des institutions de la IIIe république (le règime est à l'évidence parlementaire plus que présidentiel malgré le titre trompeur : par président, on entend président du conseil, chef du gouvernement donc), le film est un combat d'égos, une lutte de pouvoir, dans un fracas de divergences. Les auteurs restent évasifs sur les identités politiques des protagonistes. Gabin incarne une sorte de Clémenceau, une main à gauche, l'autre à droite. Blier est bien plus conservateur mais surtout il aspire à des prétentions plus personnelles que nationales. Film moral donc, de philosophies politiques opposées, il n'échappe pas à certains simplifications presque démagogiques mettant face à face la vertu et le cynisme démarqués de manière un peu manichéenne.


Mais fort heureusement, ces aspérités un brin grossières donnent ce à quoi elles étaient destinées, à savoir un spectaculaire divertissement bâti sur des dialogues ciselés, d'une jouissive percussion, sans compter leur musicalité exceptionnelle, du très très grand Michel Audiard qui sert une belle langue, loin des argots dont on lui connait la matrise par ailleurs. Dans la joute verbale des élites politiques, il livre une composition de sublimes phrases encore une fois.


Dans un rôle sur mesure, Gabin habite son personnage et en impose : la très grande classe. Les acteurs satellites Blier, Faure, Crémieux, Adam et Seigner par exemple donnent la réplique avec saveur. Impeccables mais efficaces face à l'astre solaire que représente le grand Gabin, si sûr de son jeu et au coffre surdimensionné. La caméra tourne autour de lui, le sert continuellement. C'est un réel plaisir cinéphile que de voir et revoir tous ses seconds rôles servir si admirablement la soupe au Président.


La touche Verneuil est beaucoup plus difficile à cerner. Du moins pour ma part. J'ai bien eu du mal à noter une réalisation particulièrement saillante. On a connu le cinéaste bien plus inspiré par son sujet. Les ors de la République limitent étrangement ses mouvements, semblent l'avoir un peu éteint. Cela dit, sa réalisation, même sage et ordinaire, n'en demeure pas moins assez efficace. L'action et les personnages sont plutôt bien mis en valeur. Un très bon Gabin et un très grand Audiard font de ce film un petit bijou à entendre et voir jouer.

Alligator
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le 23 mars 2013

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