Au début des années 80, le cinéma français était encore à la recherche de héros, d'hommes, de vrais, capables de rivaliser avec les meilleurs Eastwood, Bronson ou McQueen, stars iconiques coincées dans la peau de leurs personnages tout aussi iconiques, pour le meilleur et pour le pire. Jean-Paul Belmondo est la figure même de l'acteur capable. Les scénarii lui donnent très souvent la possibilité d'incarner cette figure à la fois héroïque et dépassée, gauche et assurée, vicelarde et loyale, pleine de charme, plurielle, mais malgré tout enfermée aussi dans son époque -machiste, sexiste, franchouillarde. Le Professionnel, en dépit de son statut de film culte, n'est pas un grand film sur le plan technique.
D'abord, le Chi Mai d'Ennio Morricone composé dix ans plus tôt, indissociable de l'oeuvre de Lautner à jamais (et malheureusement de Canigou) semble avoir été utilisée dans la salle de montage dès que Belmondo marche seul dans la rue ou que l'émotion prend le dessus. L'image du héro solitaire, fugitif et lâché par les siens, est ici grossièrement ampoulée parce que la musique en fait des tonnes. Si elle donne lieu à de belles séquences, notamment en Afrique, son utilisation en pilotage automatique rend le film démonstratif et alourdit le pas. Si le montage sonore est inégal, l'agencement et le rythme de certains plans font datés, c'est à dire du niveau des techniciens de films bis transalpins de la même époque, tournés à la chaîne. L'interprétation, fleurant bon le théâtre de grands boulevards et l'improbabilité des scènes de fusillades et de bagarres parachèvent d'enterrer Le Professionnel dans son époque. L'écriture n'est pas en reste en dépit d'une conclusion pleine de tension.
Pourtant, de beaux portraits d'hommes (plus que de femmes) sont dressés par Georges Lautner, c'est certain. Belmondo trouve ici un rôle à la hauteur de son statut de rock star du cinéma français, malgré certaines punchlines navrantes forcées issues d'un répertoire d'Audiard peu inspiré et d'une séquence entre clodos nulle à souhait. Robert Hossein en flic glacial et surtout Bernard-Pierre Donnadieu, beau flic de seconde zone obsédé et dépassé, permettent au film de Georges Lautner, souvent performant dans l'humour bon marché, de monter quelques paliers dans le Film Noir. Jacques Deray aura compris que Belmondo excelle bien plus en tant qu'acteur dans un registre plus sombre avec Le Marginal deux ans plus tard, autrement plus recommandable et passant allègrement l'épreuve du temps, bien niché entre les premiers polars de John Woo et les films plus brutaux de William Friedkin.