Voir le film

Il n'aura fallu attendre que quelques semaines après la sortie cinéma de Acide pour plonger à nouveau dans le genre du fantastique à la française. Une nouvelle tentative bucolique qui dépeint l'homme comme une victime : des intempéries, qui disloquent la cellule familiale dans le Nord de la France, hier. D'une étrange pandémie que l'on ne nommera jamais, qui éloigne avant de souder dans l'adversité dans le Sud-Ouest aujourd'hui.


Ce qui caractérise Le Règne Animal, c'est la richesse de sa forme, qui lui permet de longtemps entretenir l'incertitude quant au chemin que l'oeuvre fera emprunter au spectateur : conte fantastique, fable écolo, super hero movie naturaliste, histoire centrée sur la différence, drame social, coming of age story... Le Règne Animal essaie de transcender cette multiplicité en épousant la silhouette des mutants qu'il met en scène plein cadre pour émouvoir et fasciner dans un même mouvement, dans une appréhension de l'élément surnaturel qui n'est pas sans rappeler La Dernière Vie de Simon.


Et le réalisateur, Thomas Cailley et sa scénariste, Pauline Munier, d'offrir nombre d'images puissantes et souveraines, de visages et de figures hybrides, via des maquillages spéciaux somptueux, traduisant un imaginaire foisonnant. Et si quelques influences comme Sweet Tooth se font sentir, l'oeuvre a le mérite d'oser, de proposer, de sortir des sentiers battus, parfois de manière folle ou un peu maladroite, mais jamais opportuniste ou hypocrite.


Et avec un brin de poésie et de magie venant déchirer le voile du quotidien. Et de frisson devant l'inconnu ou l'invisible.


Sauf que cette générosité tire parfois un peu contre l'oeuvre, dès lors qu'elle aurait pu élaguer une quinzaine de minutes de son montage en se passant, par exemple, d'un personnage comme celui d'Adèle Exarchopoulos, inscrit dans un étrange pas de deux qui ne mène finalement à pas grand chose avec Romain Duris.


Et si une telle longueur permet de s'attacher aux personnages, elle fait un chouia patiner les enjeux que Le Règne Animal tente de se donner, avant de se relancer de manière poignante dans son dernier acte, tant avec sa traque de l'Autre qui fait peur et que l'on ne connaît pas, que dans les choix d'un père qui se résout à laisser son fils prendre son envol. De sorte que le film ressemble à une version très terre-à-terre et tragique de Les Enfants Loup : Ame et Yuki. En offrant fugitivement un nouvel Eden pour mieux l'envahir et le détruire par la bêtise des hommes et leur intolérance qui n'étonne plus.


Montrant que Le Règne Animal est tout à la fois : doux, magique, inquiétant, désespéré, en constante mutation, comme son ado mettant à l'épreuve la paternité de son géniteur. Le cœur du récit palpite peut être de ce côté-là : celui de la relation d'un père et d'un fils malmenée par la maladie et l'absence, la manière de se comprendre et de faire face. Car finalement, on n'embrasse jamais assez fort l'objet de son amour et de son affection.


Behind_the_Mask, qui finit son billet totalement à poil.

Behind_the_Mask
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films français de 2023

Créée

le 10 oct. 2023

Critique lue 1.2K fois

23 j'aime

3 commentaires

Behind_the_Mask

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

23
3

D'autres avis sur Le Règne animal

Le Règne animal
Sergent_Pepper
8

L’amour dans les forêts

Sur les terres infertiles de la science-fiction française, le cinéma se tient encore prudemment à distance, et c’est dans la série que les tentatives sont les plus audacieuses. Ceci explique ainsi...

le 4 oct. 2023

204 j'aime

9

Le Règne animal
lhomme-grenouille
6

Bête difforme, mais bête qui vit

Je l’avoue, au départ, j’ai été rebuté. Dès ce dialogue d’introduction entre le père et le fils, je n’y étais pas. Ça sonnait faux. Les artifices pour mettre en évidence les caractères de chacun et...

le 13 oct. 2023

44 j'aime

18

Le Règne animal
Jonathan_H
9

La nature de l'Homme

Le Règne animal est une nouvelle production ambitieuse dans le paysage cinématographique français. Le cinéma de genre et les propositions originales semblent se faire plus fréquentes ces dernières...

le 5 oct. 2023

37 j'aime

2

Du même critique

Avengers: Infinity War
Behind_the_Mask
10

On s'était dit rendez vous dans dix ans...

Le succès tient à peu de choses, parfois. C'était il y a dix ans. Un réalisateur et un acteur charismatique, dont les traits ont servi de support dans les pages Marvel en version Ultimates. Un éclat...

le 25 avr. 2018

204 j'aime

54

Star Wars - Les Derniers Jedi
Behind_the_Mask
7

Mauvaise foi nocturne

˗ Dis Luke ! ˗ ... ˗ Hé ! Luke... ˗ ... ˗ Dis Luke, c'est quoi la Force ? ˗ TA GUEULE ! Laisse-moi tranquille ! ˗ Mais... Mais... Luke, je suis ton padawan ? ˗ Pfff... La Force. Vous commencez à tous...

le 13 déc. 2017

189 j'aime

37

Logan
Behind_the_Mask
8

Le vieil homme et l'enfant

Le corps ne suit plus. Il est haletant, en souffrance, cassé. Il reste parfois assommé, fourbu, sous les coups de ses adversaires. Chaque geste lui coûte et semble de plus en plus lourd. Ses plaies,...

le 2 mars 2017

183 j'aime

25