Le Roi Lion
5.7
Le Roi Lion

Long-métrage d'animation de Jon Favreau (2019)

Petit prologue en forme d'exposition. Quand a commencé la mode des adaptations live chez Disney ? Ce n’est pas parfaitement nouveau : le studio a fait deux molles tentatives au milieu des années 90 avec le décent Le Livre de la Jungle (qui avait fait le choix salutaire de ne pas faire parler ses animaux) et les calamiteux 101 Dalmatiens (pauvre Glenn Close en Cruella), deux échecs commerciaux qui l'avaient renvoyé la niche... pendant près de quinze ans. En fait, jusqu’à ce que les effets spéciaux numériques, les « CGI », aient atteint une qualité suffisante pour donner corps aux univers de leurs films animés sans que ça ait l’air complètement pourri. Le film du grand retour : le Alice au pays des merveilles de Tim Burton. Un pudding bariolé et hystérique, autant dire un mauvais Burton, mais suffisamment convaincant visuellement, et surtout rentable, pour donner envie à Disney de continuer. Mais il a fallu attendre quatre années supplémentaires pour que la frénésie commence VRAIMENT, avec le terne Maléfique (en dépit des meilleurs efforts d’Angelina Jolie) : ont suivi l’insipide Cendrillon en 2015, Le Livre de la Jungle en 2016 (sur lequel nous reviendrons), une suite à Alice que personne ne voulait, le tout aussi insipide La Belle et la bête avec la chtite Hermione en 2017 (film en comparaison duquel la version de Gans est une réussite), le flippant Jean-Christophe et Winnie en 2018 (sérieux, vous avez vu la gueule de Winnie ?)... puis, cette seule année 2019, Dumbo, un AUTRE Burton sans caractère, Aladdin, un film familial de Guy Ritchie (besoin d’en dire plus ?), et cet été Le Roi Lion… en attendant Maléfique 2 et La Belle et le clochard, en fin d'année (non, ce n’est pas une blague). Cinq adaptations live en l’espace de douze mois, ou plutôt quatre vraies et une fausse, car au cas où un lecteur aurait loupé ce détail, la version du Le Roi Lion que nous critiquons ici n’a RIEN de « live », puisqu’il est entièrement animé. C’est d’ailleurs, ironiquement, son argument de vente premier. Et, tout aussi ironiquement, la raison pour laquelle il se plante, mais bien, bien méchamment.


N'y allons pas par quatre chemins, Le Roi Lion 2019 est une aberration. Une petite mort spirituelle, à défaut d’être celle de l’art, quoi que sa direction artistique manque cruellement de caractère – c’est la savane au millimètre près, quoi. Un film dénué de la moindre raison d’être, du moins la moindre raison d’être valable, puisque les sousous, c’est un peu faible, comme argument, à moins d’en profiter sur son compte en banque, naturellement. En d'autres termes, le maquillage du mercantilisme le plus abject en révolution artistique. Un des remakes les plus superflus de l’histoire, plus encore que Rollerball, et donc une entreprise non seulement vaine, mais également antipathique. Une boursouflure techniquement somptueuse mais construite sur une anthologie de la fausse bonne idée : le photoréalisme, sur lequel nous allons bien, bien nous arrêter. Un modèle de spectacle conçu par des types compétents mais à côté de la plaque, un peu comme les responsables du remake de Ring. Une des plus spectaculaires preuves que la forme sert le fond, et non l’inverse (« change my mind », comme dirait Steven Crowder). Le Roi Lion 2019 (LRL 2019), c’est de la taxidermie numérique, dont l'impact émotionnel reviennent à aller mater les lions du zoo pendant deux heures en écoutant en boucle la BO du film original. Ouais, 260 millions de dollars de budget pour pas bien plus que ça.


LRL 2019, c’est deux heures de « pourquoi ? ». Prenez la scène d’introduction de l’original, du seul Roi Lion, peut-être une des meilleures de l’histoire du cinéma (et l’auteur de ces lignes écrit cela alors qu’il est loin de trouver l’original parfait). Puis placez, à côté, son équivalent de 2019. Que voyez-vous ? D’un côté, la fraîcheur vivifiante de l’aventure créatrice. Une âme, et donc un sentiment de liberté, et une impression de spontanéité, alors que Disney n’était déjà plus vraiment un atelier de quartier. De l’autre… une singerie de luxe, sans relief, sans personnalité, sans objet noble, un travestissement de ce qui nous a ébloui dans l’enfance – cette critique parlera sans doute avant tout aux trentenaires. Voir un fossé infranchissable et sans fond entre les deux n’a rien à voir avec de la nostalgie mal placée. Ce n’est pas non plus du fétichisme. C’est une observation de pur bon sens face à la réalité de ce qu’est devenu la machine hollywoodienne. Car non, si l’argent a de tout temps fait tourner le monde, toutes les époques ne se valent pas. Le Roi Lion 1994 et Le Roi Lion 2019 sont à un tel point aux antipodes l’un de l’autre qu’ils ne semblent même pas appartenir à la même réalité, ne pas partager le même plan d’existence. Okay, ça commence à faire beaucoup.


Des animaux photoréalistes : anthologie de la mauvaise idée


Transparence totale : l'auteur de ces lignes SAVAIT qu'il allait morfler sévère en entrant dans la salle. Il est parti battu. Pourquoi ? Parce que j'avais vu les bandes-annonces et quelques extraits promotionnels du film, voilà pourquoi. Et un seul aurait suffi, en fait. Je me suis imposé ce film pour la même raison que je me suis imposé Captain Marvel, quelques mois plus tôt : pouvoir critiquer en connaissance de cause. Loin de moi cependant l'idée de jouer les pères Fouettard : à l'annonce du film, je m'étais autorisé à m’enthousiasmer ! Enfin, un peu ! LRL 2019 semblait s’inscrire dans le prolongement du seul vrai bon film du lot susmentionné qu’est Le Livre de la Jungle. Même continent, la majestueuse Afrique, même équipe responsable des effets spéciaux, Moving Picture Company, même réalisateur, Jon « Iron Man » Favreau. Même scénariste, aussi, Jeff Nathanson. À qui l’on doit Speed 2 et Indiana Jones 4, mais ça, on n'était pas forcé de le remarquer. Hélas, je n’avais pas imaginé qu’avec ce nouveau RL, le seul gros écueil du Livre de la Jungle 2016, l’inexpressivité de certains personnages d’animaux due au photoréalisme, allait être multiplié par mille.


LRL 2019 a une sacrée gueule. Que les choses soient claires. On ne peux pas sérieusement nier la virtuosité de ses effets spéciaux. Certains parlent de nouveau cap, presque historique, comme on a pu le dire d'Avatar, et peut-être disent-ils vrai, aucun problème avec ça. Quand on oublie que ce que l’on voit à l’écran est à 100% factice, ou mieux encore, quand on scrute le moindre micro-plantage susceptible de vendre la mèche et ne trouve RIEN (ou presque), c’est que quelque chose de balaise a été accompli, dans ce domaine. Même le feu a de la gueule. On comprend pourquoi Jon Favreau, tout jouasse, n’a pas pu garder sa caméra en place plus d’une seconde, au risque d'irriter un peu. C'est tellement exceptionnel que cela marque peut-être le début d'une nouvelle ère. Le problème, c’est quand on n’en a pas besoin, d'une nouvelle ère. Quand la nouvelle ère promet de générer une vague de superproductions qui seront persuadées d'aller dans le bon sens juste parce que ça a rapporté gros, alors que non.


Un des objets de l’animation, une de ses plus-values, est d’offrir un spectacle autrement impossible à obtenir. Pas de reconstituer à l’identique la réalité, sauf cas de démo technique pour l’E3, par exemple. Une démo technique qui fait bien de viser le photoréalisme parce que ce dernier servira un jeu vidéo dans lequel le joueur pourra faire des choses qu’il ne ferait pas dans la réalité. L’animation, c’est de l’évasion. Comme l’est le cinéma, mais, euh, encore plus. Reproduire la savane à l’identique, bien que l’on ait un cash-flow suffisant pour tourner dans la vraie, avec un peu de couilles s'entend ? Pas de problème. À condition que la virtualité de cette savane numérique offre des possibilités inédites. Des animaux anthropomorphisés comme dans Zootopia, par exemple – en moins cartoonesque, cela va de soi. Mais avec LRL 2019, Disney a fait le choix du photoréalisme dans TOUS les domaines. De la même manière que la savane sera identique à la vraie savane, la faune de la savane aura exactement la même tronche que la vraie faune de la vraie savane. Et Papy Brossard pourra aller se rhabiller.


Le talon d’Achille, la faille mortelle, la limite très vite atteinte du RL 2019, c'est donc... ses personnages photoréalistes, ou rien de moins qu’une fausse bonne idée d’anthologie. Pourquoi ? Parce que le film leur prête des comportements, des émotions, et une intelligence qui sont propres à L'ÊTRE HUMAIN, et sont de fait parfaitement inadaptés, en raison de leur complexité, aux AUTRES créatures de Dieu – au risque de choquer les antispécistes maladifs. Si le monde de l’animation anthropomorphise ses personnages d’animaux depuis toujours, c’est pour une raison limpide : il n’y a que comme ça que ça marche. Vous imaginez 1001 pattes avec des fourmis photoréalistes ? Pas la peine de répondre, la question est rhétorique. Un lion, et même un aaaaadorable lionceau, n’a pas l’expressivité d’une personne, elle n'en a même pas le millième. Quand Scar trahit Mufasa et le pousse vers sa mort, rien ne passe dans le regard de ce dernier, et le cri de James Earl Jones, dont l’inimitable voix méritait bieeeen mieux que ça, n’en est que plus déconcertant. Quand Simba se recueille sur la dépouille de son père, on aimerait bien qu’il tire une autre tronche que celle qu’il tire lorsqu’il chasse une libellule. L’inadéquation entre les performances archi-dramatiques des acteurs (d’une qualité inégale, soit dit en passant) et cette inexpressivité tue le film dans l’œuf. Dead on arrival, comme disent les Amerloques. Le Roi Lion est un récit à la base bouleversant… mais comment être ému lorsqu'aucune émotion ne se lit sur le visage des protagonistes ? Autant dire que rayon comédie, les intermèdes chantés ne pouvaient qu’en pâtir.


Nuançons un peu : de ce point de vue, tous les animaux ne se valent pas. Si Le Livre de la Jungle ne nous avait pas inspiré un tel rejet en 2016, c’est d’abord parce qu’il avait pour protagoniste un petit d’Homme, et ensuite parce que son personnage d’animal le plus important était Baloo, or l’ours est un poil plus expressif que le lion, comme cette saloperie de chat va être plus expressif qu’un chien, allez savoir pour quelle injuste raison. On pouvait distinguer les signes avant-coureurs du présent échec dans l'absence de charisme du tigre Shere Khan (douche froide lorsqu'on se souvenait du classique de 1967 !) et de la meute de loups… mais à côté de ça, on pouvait donc compter sur Baloo, le roi Louie, parce qu’un des mammifères les plus évolués avant l’homme, et même Bagheera, parce qu’une sorte de gros chat. À propos de singes, ne parlons même pas de ceux de la Planète, d’autant plus que le César d’Andy Serkis était quand même sacrément plus expressif que le chimpanzé moyen, tout comme le Baloo de 2017 l’était quand même plus qu’un simple ours. Est-ce une surprise, que le character design compte également ? Voilà le problème, avec Le Roi Lion 2019 : il n'a AUCUN character design. Quand les affiches individuelles du film sont apparues sur le web, chacune présentant un personnage, la première réaction de bien des gens a été : ouais, ben, c’est des lions, quoi... ?


Tous les personnages du Roi Lion 2019 n’échouent donc pas au même degré. Autre raison, moins ils sont censés exprimer d’émotions, moins leur inexpressivité est problématique. Ainsi s’en sort Scar, seul fauve du film à survivre à la boucherie (ironiquement) : Scar, aristocrate psychopathique dont le seul sentiment semble être l’envie, et dont la nouvelle version est bien moins outrancière, tout comme la performance d’Ejiofor en comparaison de celle de Jeremy Irons. D’aucuns rétorqueront que cette hyperexpressivité faisait tout le sel du personnage, car il était le B.A.-ba de la « sale bête », égocentrique, louvoyant, vicieux, et celui du RL 2019 n’offre rien de tout ça. Et pourtant, la décision par Favreau & Cie de le rendre MOINS expansif l’a, au bout du compte, sauvé. Chiwetel Ejiofor, bien qu’il n’ait pas le talent d’un Irons, fait, contre toute attente, un aussi bon boulot avec ce qu’on lui a donné. Il sort même gagnant de la comparaison entre le Be Prepared de 1994 et celui de 2019, alors que ce dernier a été charcuté, parce qu’Irons était un chanteur assez calamiteux. Ainsi s’en sortent également, toujours de justesse, Timon et Pumbaa, parce que Moving Picture Company a su exploiter les aspects… les plus cocasses de ces deux animaux, et parce que Pumba n’exprime jamais qu’une affabilité boute-en-train. Ainsi s’en sort plutôt bien le majordome à plumes Zazou, d’abord parce qu’il n’a pas de scène chargée émotionnellement, ensuite parce que ses petits yeux hallucinés s’accordent assez bien au caractère flippé du personnage, et que l’excellent comédien John Oliver l’interprète de façon encore plus désopilante que Rowan Atkinson (« For King and Country ! »). L’ironie est qu’à plusieurs reprises, votre serviteur a préféré fermer les yeux pour apprécier un tant soit peu les performances vocales des acteurs, car elles étaient bien trop desservies par la nécrose faciale de leurs personnages.


Le plus tragique, c’est que ce piège fatal n'était même pas une fatalité. Disney aurait pu jouer la carte du photoréalisme s'il y tenait tant, mais sans aller aussi loin, parce que pas besoin. Par exemple, les designers des Gardiens de la Galaxie ont su donner vie à un Rocket tout à fait expressif sans trop se distancier du raton-laveur original (ces bestioles sont assez géniales, de toute façon). Paddington est un autre exemple de compromis intelligent entre photoréalisme et concessions aux besoins d’expressivité des personnages. Un regrettable contre-exemple est le Mowgli d'Andy Serkis : son film est un plantage dans la direction opposée, anthropomorphisant les visages de ses animaux au point de les rendre flippants, rappelant les chevaux cauchemardesques qui attaquent Farnese dans Berserk. Tout est affaire de dosage.


Pour illustrer mon propos, un petit lien vers une galerie de modifications très, très inspirées qu'a effectuées l'artiste Ellejart. Oui, pleurons ensemble.


Rapidement : une affaire de sousous, oui, mais à quel point ?


La critique n'est pas tendre, avec LRL 2019. 52% sur Rotten Tomatoes (pour ce que vaut la notation d'un agrégateur qui place le Ghostbusters féministe de 2016 devant Interstellar), un
quasi-consensus chez les reviewers anglophones regardant la faille majeure du photoréalisme... les critiques françaises ont été de bien bonnes poires sur ce coup, mais l'impression d'ensemble est des plus mitigées. Un des reproches les plus récurrents : l'accusation de machine à fric. De « cash-grab ». Ses défenseurs rétorquent qu’il ne faut pas être naïf : le fuel de la production cinématographique, ce n’est pas l’amour sur Terre, mais la rentabilité. Aucun film n’a jamais été fait sans que quelqu'un derrière ne se soit demandé combien il allait lui rapporter (sauf peut-être ceux de Dziga Vertov... ?). Mais alors, pourquoi reproche-t-on cela au film de Favreau ? Sans doute est-ce dû à la combinaison de deux choses : la première, le fait qu’il est littéralement au cœur d’une année tellement SATURÉE d’adaptations live qu’on est en droit d’y voir le moment où Disney a poussé trop loin le bouchon de l’opportunisme ; la seconde, parce que par-dessus le marché, il n’a même pas pris la peine d’être réussi.


Sans inspiration, la puissance n'est rien


C’est donc bien beau, mais aussi bien vide, mon colonel. Une fois mise de côté la prouesse technique, LRL 2019 se résume à la conjugaison d’un mauvais remake (puisqu'inutile) et d’un documentaire animalier sans l’authenticité. Vous voulez voir Hamlet dans la savane ? Rematez plutôt chez vous l'indémodable classique de 1994. Vous voulez apprécier la beauté sauvage du continent africain et la majesté minérale du roi des animaux ? Tournez-vous plutôt vers National Geographic. Dans les deux domaines, cette nouvelle version se plante. En fait, elle suscite carrément moins d’émotions que pas mal de documentaires animaliers très réussis, dont la faune ne chante ni ne pleurniche pourtant pas. Parce qu’il n’a pas de tripes. Parce qu’il n’a pas de caractère.


Le choix du remake plan par plan était une autre idée à la con. Toutes les images inoubliables du film original y sont (ou presque ?), dont l’inévitable plan de la branche sur laquelle s’affaire une colonie de fourmis tandis que cavalent les zèbres en arrière-plan, avec le même jeu de (fausses) focales, au point que l’on se demande parfois à quoi Jon Favreau a servi, davantage copieur zélé que créateur : le studio aurait tout aussi bien pu laisser la boite d’effets spéciaux faire le job. Précisons cependant que LRL 2019 n’est pas à 100% un remake plan par plan comme celui, très, très inutile, que Gus Van Sant a fait de Psychose, puisqu’il dure presque une demi-heure de plus que LRL 1994 – par exemple, l’ellipse temporelle durant laquelle Simba grandit arrive au bout d’une heure, cette année, contre quarante-cinq minutes dans l’original. Votre serviteur, naïf qu’il était, espérait qu’au moins, Favreau fît un bon usage de ce temps supplémentaire. La raison derrière ce souhait choquera peut-être certains fans hardcore du RL 1994 : ce dernier a beau être un très, très grand Disney, j'ai TOUJOURS trouvé qu'il lui manquait, justement, quinze à vingt bonnes minutes pour être un chef-d’œuvre. Certains détracteurs du nouveau RL avancent, entre autres arguments, qu’il ne pouvait RIEN apporter au schmilblick puisque la version originale est parfaite ! On se calme. Le premier acte du film, l’enfance de Simba et la tragédie pivot de l’histoire, est quasiment irréprochable, comme l’est le très divertissant deuxième acte, la parenthèse enchantée avec ses deux acolytes et son tourment identitaire une fois qu'il est rattrapé par son passé, mais le troisième est bien trop expédié : montre en main, dix minutes entre le moment où le héros retourne rendre justice dans son royaume et la fin de l’histoire – cela n’atténuant pas pour autant la force du climax ni celle de la toute fin. Par ailleurs, le règne de Scar est d’un simplisme que seul un conte pouvait excuser. En gros : il y avait de quoi faire. Si les gars derrière LRL 2019 avait des tripes et du caractère.


Ce n’est hélas pas le cas, et cette quasi-demi-heure supplémentaire n’apporte rien au récit. J'ai bien dit : strictement rien. Plutôt que de l’employer à développer les personnages secondaires, comme celui de la reine, à explorer, fût-ce brièvement, le passé de Scar, à donner un peu plus de vie au bas-peuple du royaume, ou encore à corriger les tares mentionnées dans le chapitre précédent, Le Roi Lion 2019 la gaspille en transitions superflues, expositions et explications inutiles (« Simba, laisse-moi t’expliquer de manière bien vaseuse pourquoi les antilopes m’aiment en tant que roi alors que je passe mon temps à les bouffer, juste parce que quelques boulets chouinent depuis vingt-cinq ans à ce sujet »), et un passage musical monté sur une chanson inédite de Beyoncé… qui, soyons francs, n’a rien à foutre dans le film, que l’on aime ou pas la chanteuse. Pire : le film parvient à bâcler certains passages très attendus, initialement chargés d’émotion, comme celui où Nala découvre que Simba est encore vivant : alors que Roger Allers et Rob Minkoff laissaient plusieurs cruciales secondes au personnage de Nala pour qu’elle traite la donnée, chez Favreau, ça s’emboîte instantanément, comme si les deux se retrouvaient devant les marches de l’école après les vacances d’été. Dans cet océan de perte de temps, on trouvera bien quelques ajouts amusants, comme celui du caméléon intrépide qui n’a pas peur de Simba lionceau, ou encore le rallongement du voyage des brindilles, qui donne un peu plus de corps au royaume avant d’arriver jusqu’à Rafiki... Mais ce sera bien anecdotique.


Le film de Favreau est, en fait, bien souvent à la ramasse. Exemple numéro un : le singe Rafiki, jadis si expressif, est exploité au minimum syndical de son potentiel par Favreau, qui massacre littéralement LA grande scène que ce dernier avait au côté de Simba dans le RL de 1994, où tout brillait, l’animation désopilante du personnage, la performance vocale incroyablement colorée de Robert Guillaume, et surtout la géniale réplique « It doesn’t matter ! It’s in the past ». Pourquoi tant de haine ? Bof, ils ne savaient pas trop. Le massacre s’est sans doute fait sous le coup de l’inspiration. Exemple numéro deux : la vision qu’a Simba de feu-son père dans le ciel nocturne n’est pas seulement raccourcie et expurgée de sa puissance émotionnelle pour les raisons que l’on sait ; elle est désormais flanquée de nuages orageux, parce que de toute évidence, la majestueuse silhouette de Mufasa avait besoin d’éclairs pour produire son effet. Exemple numéro trois : l’inévitable scène où Simba et Nala chantent Can you feel the love tonight, qui est ici exécuté sans aucune passion par deux gros miscats. En 1994, cette scène se passait au crépuscule, la nuit tombant, possible promesse de dépucelage ; en 2019, la scène se passe… de jour (ce qui ne le fait pas trop, vu le titre), et dans un décor bien moins romantique que précédemment. Exit les regards lascifs entre les deux « amis », exit Nala, allongée dans l’herbe, matant Simba en mode « okay, normalement c’est là que tu dois me pécho à la sauvage » : tout ce qu’on voit, c’est Simba et Nala courant sur le gazon, probablement pour aller au resto vegan le plus proche, comme le feraient deux fauves dans la réalité. Rebelotte : ce n’est hélas pas la chaîne Animaux, que l’on mate, mais un passage musical de l’adaptation d’un conte pour enfants avec des animaux qui parlent. Dans un press junket, Favreau, très inspiré, a expliqué que Timon et Pumba ne pouvaient effectuer leur danse hawaïenne, et que les hyènes ne pouvaient être des guignoles comme elles l’étaient dans le film de 1994, sous prétexte que ça n’aurait pas collé au photoréalisme. Parce qu’il y a quelque chose qui colle au photoréalisme, dans son putain de film ?


Le domaine dans lequel sa mise en scène s’en sort relativement bien, car il y en a au moins un, c’est celui de l’action pure. Favreau n’est pas un manche derrière la caméra, comme il a pu le prouver par le passé, et s’il n’a pas eu le talent de sauver son film de ses démons, ainsi que de ses gros problèmes de rythme, il a au moins troussé quelques scènes bien fichues, comme l’attaque des jeunes Simba et Nala par la meute de hyènes menaçante, qui produit son petit effet – d’autant plus qu’elles sont bien plus menaçantes, dans cette nouvelle version. Évidemment, dans ces moments-là, le spectateur a bien moins à subir l’inexpressivité des personnages puisque ça bouge de partout, et cela joue sans doute un peu, mais ne soyons pas mauvaise langue. Non, si l'on ignore qu'avant 2019 est venu 1994, on peut considérer que le film s’en sort, dans l’ensemble, en tant que divertissement hollywoodien sans génie aucun. Le truc, c’est qu’à moins d'être né après la sortie du premier Avengers, on ne peut PAS l'ignorer. Et qu'on ne peut QUE le comparer au génie de son prédécesseur. Un élément, dans la reconstitution au plan près de l’inoubliable scène d’introduction, permet de comprendre dès les premières minutes que la mise en scène de Favreau décevra : le plan dans lequel apparaît Pride Rock pour la première fois, Favreau optant pour un poussif mouvement latéral là où Allers et Minkoff avaient eu la superbe idée de ce mouvement ascendant, diablement dynamique, dont la verticalité exprimait toute la grandeur aristocratique du moment. Ainsi, le réalisateur s'attachera à reproduire la plupart des plans au millimètre près, pour, à côté de ça, en sucrer d’autres... généralement bien plus importants, comme le travelling compensé sur Simba lorsqu’il voit la meute de gnous fondre dans sa direction. Allez comprendre.


Le Roi Lion 2019, quand il fait son effet, ne le fait que parce qu’il est pompé. Le titre apparaît accompagné du tout aussi inoubliable « boum », et ça a de la gueule, on ne dit pas, mais est-ce de notre faute, si l'on a déjà vu ça en cent fois mieux, il y a vingt-cinq ans ? Le frisson est-il là ? En étant (très) bon public, oui. Mais un frisson immédiatement dissipé par l’écho de celui que l’on a ressenti il y a vingt-cinq ans. On peut parler du fond. Mais… ce ne sera pas de SON fond.


De la même manière que l’exceptionnelle musique qui accompagne son action n’est pas SA musique. Au risque de paraître sentimental, je me souviens encore de la première fois que j'ai entendu du Hans Zimmer : c'était justement dans une salle où était projeté Le Roi Lion, sans doute la semaine de sa sortie. De ce moment où je me suis dit, comme un peu tout le monde : « Hé, elle déchire pas un peu, la musique, pour du Disney ? ». Par la suite, je découvrirai que le maestro avait fait plein de trucs géniaux, avant ça, de Black Rain à True Romance en passant par Backdraft et Comme un oiseau sur la branche (oui, cette petite comédie d'action avec Mel Gibson dont personne ne parle mais que j'aime remater, une fois tous les trois ou quatre ans). J'étais simplement encore trop jeune pour les connaître. Je serais en revanche suffisamment grand pour profiter de la montée en puissance du compositeur, dans la seconde moitié des années 90. Mais Le Roi Lion demeurera toujours ma première fois. This Land et King of Pride Rock font encore partie, à ce jour, des plus belles créations de Zimmer. Et ces morceaux n’appartiendront jamais qu’à la bande originale du SEUL Roi Lion. Ce ne sont pas les quelques réarrangements des morceaux originaux, ajoutés à la soupe insipide de Beyoncé, qui y changeront quelque chose.


Soyons fous : quand bien même on adhérerait à l’improbable parti-pris visuel de RL 2019, suggérer que ce dernier porte la même charge émotionnelle que l’original serait fort de café, car en plus de sa mise en scène très inégale, il souffre de performances vocales de bien moindre qualité. Si James Earl Jones assure tant bien que mal son retour en Mufasa, ainsi que Chiewetel Ejiofor en Scar, essentiellement parce qu’il n’essaie PAS d’émuler Jeremy Irons, ainsi que Seth Rogen en Pumba, essentiellement parce qu’on verrait presque en l'acteur la réincarnation d’un authentique phacochère, de l’autre côté, Donald Glover livre une très faible performance dans le rôle pourtant crucial de Simba (alors qu’il est un excellent comédien, comme en atteste la cultissime sitcom Community, et rappeur… ceci accréditant la thèse du miscast pur et simple), Beyoncé est toujours aussi nulle à jouer quoi que ce soit, John Kani est totalement oubliable en Rafiki… ça commence à faire pas mal. En 1994, tout était impeccable. Même Matthew Broderick. MÊME MATTHEW BRODERICK.


Aux nouvelles générations : prenez garde !


Le festival de CGI semble ainsi être devenu un argument à lui seul, de nos jours. Mauvaise idée. Lorsque Le Roi Lion original est sorti, s’est-on pignolé pendant des heures devant sa maestria technique ? Non. On l’a constatée, on l’a louée, mais elle n’était pas au cœur de tous les débats. Elle ne faisait que porter la substance du film. Et c’était mieux comme ça. Et c’était mieux tout court. Oui, en mieux, osons le dire.


Car il est temps de dissiper un malentendu qui semble flotter dans l’air, en notre trouble période où certains studios semblent déterminés à nous gaver comme des oies de leurs effets numériques : NON, l’animation numérique ne vaut pas MIEUX que l’animation traditionnelle, non, la 3D ne vaut pas MIEUX que la 2D, et je serai même tenté de dire l’inverse car les CGI, quoique conçus par l’homme, ne seront jamais artisanaux comme l’est le dessin à la main. Dénigrer le talent des animateurs n'est certainement pas mon intention, ni rejeter les chefs-d’œuvre qu’a offerts au monde un studio comme Pixar, par exemple. Mais au risque d’enfoncer une porte ouverte, les effets spéciaux numériques sont le produit de la participation entre l’homme et la machine, qui l’aide par sa puissance de calcul, alors que l’animation traditionnelle, elle, c’est juste... l’homme, son pinceau à la main, équivalent nerd de la bite et du couteau. Peut-être tirons-nous de cette différence de langage des conclusions biaisées en faveur du bon vieux temps, comme certains militants des effets spéciaux mécaniques. Peut-être pas. Quoiqu’il en soit, dire que LRL 2019 est meilleur que LRL 1994 sous prétexte qu’il bénéficie de techniques modernes, c’est confondre le cinéma avec un lave-vaisselle. Ou un sèche-cheveux.


Se pose alors la délicate question du fossé générationnel. Fait-il vraiment la différence, dans cette affaire ? Possible. Le film ne pouvait pas compter QUE sur la nostalgie déplacée du spectateur trentenaire ; il lui fallait également cibler une jeunesse qui, au mieux, a découvert le film original en DVD, vers l’âge de six, sept ans. Quoi de plus normal ? C’est un dessin animé de chez Disney. Seulement, la jeunesse de 1994 n’avait pas été prise pour une demeurée complète par le studio. Encore une fois, il ne s’agit pas d’idéaliser le bon vieux temps, mais de reconnaître l’évidence que toutes les époques ne se valent pas dans pratiquement tous les domaines, y compris celui du rapport des « élites » à la « masse ». Pourquoi la jeunesse de 2019 serait-elle prise pour une demeurée, demanderez-vous ? Parce qu’on la considère aisément mystifiable par la prouesse technique, susceptible de tomber en masse dans le panneau que nous avons surligné dans le paragraphe précédent. Les progrès des effets spéciaux sont un argument de vente depuis très longtemps, mais Avatar semble avoir sacralisée leur idée-même. Alors que défilait le générique de fin, des applaudissements ont retenti dans ma salle, pas par torrents, mais en quantité suffisante pour faire illusion. Profil moyen du spectateur, en une toute fin d’après-midi : à peine en âge d’avoir vu le 11 septembre à la télé.


Pour autant, l’accueil critique assez négatif dont pâtit le film n’est pas seulement le fait de quadragénaires blasés : bien des jeunes générations ont eu cette salutaire, viscérale réaction de rejet face à la syntax error faciale des personnages. Si le public est par nature sensible aux prouesses des effets spéciaux, il est en revanche difficile de croire que cette lubie est une réponse des studios à une RÉELLE demande de sa part. En résumé : tout le monde s’en fout, sauf les studios. C’est ce qui rend ce nouveau LRL d’autant moins pardonnable.


Le problème qui se pose à présent… le GROS problème, et là, on ne parle pas de celui du film, mais de celui du public… de la production cinématographique en général… du MONDE... c’est que LRL 2019 est un carton absolu au box-office. Les gens sont allés voir le film, en masse. Moi, j'ai sauvé de justesse mon honneur en payant pour un autre film, un petit indépendant qui méritait tous les soutiens possibles, avant de me faufiler dans la salle où la giga-production Disney était projetée (la magie des multiplexes aux employés zombifiés…). Mais c’est de la dissidence de Castor junior. Toute résistance est futile. Effectivement, peut-être le public, même le jeune public, n'adhère-t-il pas à ce photoréalisme radical, mais à force de matraquage, peut-être finira-t-il par le trouver parfaitement normal, et trouver au contraire ridicule l’animation à l’ancienne, avec ces gueules outrancières. Ok, ça, c’est surtout pour se faire peur. Disons que nous pourrons davantage nous prononcer quand tomberont les résultats de La Belle et le Clochard, à l’automne prochain. Si les gogos se précipitent de nouveau en masse pour voir deux clébards aux parfaits airs de clébards se téter amoureusement une pâte sur fond d’accordéons romantiques, on pourra dire que tout est perdu.


Épilogue facultatif : Le Roi Lion, film de droite ?


La raison pour laquelle cette critique ne s'est pas arrêtée sur le fond du film à proprement parler est, vous l’avez compris, que je vois ce film comme une imposture, un usurpateur. À mon sens, l’histoire qu’il raconte n’est pas la sienne – oui, encore MOINS que tout autre scénario de remake digne de ce nom. Et oui, je sais, il paraîtrait que l’histoire du Roi Lion n’est même pas non plus la sienne propre, mais c'est une autre histoire. Je me permettrai cependant d’aborder, brièvement, un aspect de son scénario : sa teneur politique, inspiré par la chouinerie puissamment engagée d’un membre de SC (lui faisant ainsi de la pub, tiens).


Ladite chouinerie est intitulée « Orgie réactionnaire » – avec tout ce que le terme « réactionnaire » comporte de nébuleux. Les arguments ? LRL, que ce soit celui de 1994 ou celui de 2019, est un film éminemment politique puisqu’il trimbale sur lui un bagage idéologique non seulement monarchiste (avec tout ce que cela peut comporter d’inoffensif car déconnecté de la réalité politique actuelle, raison pour laquelle le monarchisme ne va pas inspirer au gauchiste une terreur lovecraftienne comme le fait l’extrême-droite basique), mais aussi plus largement conservateur. Parlons carrément de valeurs de droite (brrrrr), avec tout ce que cela a, également, de nébuleux. Et vous savez quoi ? L’auteur de la critique a ABSOLUMENT raison. Sur ce point précis, hein. Parce qu’il raconte également n’importe quoi à plusieurs reprises, notamment sa description atrocement caricaturale de la société conservatrice, ou encore son délire sur les hyènes-migrants.


Qu’est-ce que le conservatisme, et plus précisément, celui qui n’est pas à prendre au sens de la conservation des privilèges bourgeois, et qui constitue le « VRAI », comme la « vraie » droite n’est certainement pas celle de notre droite dite « de gouvernement », que terrifie moralement la gauche depuis l’affaire Dreyfus ? My take : citons, pêle-mêle, l’attachement à l’enracinement (au sens où Simone Weil l’entendait), à la filiation, au principe de transmission, et donc à la patrie... L’attachement au principe de transcendance plutôt qu'à celui d’immanence... L’aristocratisme, et donc la verticalité, aux antipodes de l’égalitarisme prôné par la gauche... Le respect des aînés ET de l’autorité, non pas entendue comme le pouvoir, mais comme l’autorité légitime (et là, on s’approche du royalisme)... L’attachement à des choses qui ont fait leurs preuves, et le refus de les sacrifier aux idoles du Progrès sans étude préalable... L’hostilité à l’utopie, fondée elle aussi sur l’expérience empirique (d’où la pertinence de l’« empirisme organisateur » du controversé Charles Maurras)... Le « droit à la continuité historique » de Charles Péguy... L’attachement fondamental au principe de limite, par opposition au culte de l'émancipation que porte en lui l'individualisme des Lumières... L’attachement également à l’ordre, et donc aux règles, non pas pour en saturer la société (ça, c’est un truc du socialisme) mais pour faire respecter les existantes avec la plus grande fermeté... Une certaine conception de la permanence de la nature humaine... Le « continuisme » d’Edmund Burke, inspiré par l’immense Cicéron (possible matrice du conservatisme ?), qui partait du principe que les traditions et l’expérience permettent de découvrir l’agencement des libertés amenant à l’harmonie sociale, les règles structurant la société étant le fruit d’un long processus hérité de nos pères... Ou encore la fameuse citation de Michael Oakeshott, selon laquelle le conservateur préfère « le familier à l'inconnu, l'éprouvé à l'inédit, le fait au mystère, le réel au possible, le limité à l'illimité, le proche au distant, le suffisant au surabondant, le convenable au parfait, et la joie présente à un utopique bonheur ». Sur la base de ces observations, question : Le Roi Lion ne promeut-il pas, dans toute sa longueur, la plupart de ces grands principes directeurs ? La réponse est naturellement que si. Et au gauchiste de se demander, comme Trineor, COMMENT il peut sérieusement aimer ce film.


La réponse à cette dernière question est peut-être tout aussi simple : parce qu’en dépit de l’intense bourrage de crâne progressiste que l’on peut observer au cinéma et à la télévision à l’heure actuelle, le cinéma en général, surtout le cinéma populaire, a toujours défendu davantage des valeurs de droite – c’est précisément pour ça que le bourrage de crâne est nécessaire, car la plupart des hommes sentent, au fond de leurs tripes, que l’arasement des valeurs traditionnelles, l’horizontalisation de la société, l’atomisation du noyau familial, le déni du principe même de discrimination, le laxisme pathologique d’une doctrine qui transforme le coupable en victime, ne sont pas naturels. Le public aime les récits de héros, dont la figure est tout, sauf égalitariste. Il aime les récits où la notion de sacré occupe une place primordiale – le seul sacré qu’autorise le progressisme étant celui de l’inclusivité, pas exactement le plus galvanisant. Il aime les histoires de vengeance : bien des spectateurs votant Pif le chien se retrouvent pourtant à encourager le protagoniste dans son application de la loi du Talion. Il aime les récits prônant l’importance de la famille, du clan, et donc de l’héritage – il suffit de voir la réaction viscérale de la majorité des gens, y compris de sensibilité socialiste, à chaque fois que la vermine rouge s’en prend aux droits de succession. Enfin, il aime les histoires de rois. N’est-ce pas étrange, dans un monde où l’Ancien régime est, dans certains cas, diabolisé depuis des siècles ? N’est-ce pas parce que notre instinct nous dit qu’il y a quelque chose de pourri au royaume de la modernité ? Et que les délires funestes du 20ème siècle pourraient très bien faire leur grand retour si l'on laisse cette dernière continuer son œuvre ?


Game of Thrones. Histoire de rois et de reines, de vengeances et de châtiments, tout ça. Oublions un instant la douloureuse et impardonnable débâcle sur laquelle le monolithe de HBO s’est achevé, pour revenir à un de ses plus grands moments : le final de la saison 6. Plus précisément, la scène où les seigneurs du nord se trouvent enfin un roi, Jon Snow, dans une atmosphère galvanisante de reconquête et de justice. Tous, face au jeune roi, crient « The King in the North ! » en levant leurs épées. Formidable. Dans les jours qui ont suivi la diffusion de l'épisode, j'ai réalisé combien cette scène avait marqué de gens. Il suffisait de compter les vidéos YouTube de fans hardcore brandissant leurs verres en criant en chœur le slogan accrocheur. Je me suis alors demandé : ces nerds auraient-ils autant vibré si l'assemblée avait crié… « The democratically elected president in the North ! »… ? Je sais, on a eu le général de Gaulle, président démocratiquement élu, et héraut des conservateurs français, mais c’était avant tout un général... et ce n’est pas un hasard si on le qualifie souvent de (seul et unique) monarque républicain.


Dans un numéro du magazine Studio de 1995, Alain Chabat, qui y tenait à l'époque une petite chronique, s’était amusé à trafiquer l’affiche du Roi Lion pour transformer son titre en « Le Président de la République Lion ». C’était marrant. C'est tout ce que c'était.

ScaarAlexander
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le 23 juil. 2019

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Scaar_Alexander

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