Depuis que j’ai commencé sa filmo, Clouzot est tout de suite devenu l’un de mes cinéastes préférés dont je considère les films que j’ai vu de lui (notamment « Le Corbeau », « Quai des Orfèvres » « La Vérité » ou encore « Les Diaboliques ») comme des grands films français, d’une modernité rare pour des vieux films dont certains métrages ont déjà plus de 80 ans.


Et hasard de la cinéphilie, je n’avais pas encore vu son film le plus connu et le plus plébiscité par la critique, Palme d’Or à Cannes (qui s’appelait encore simplement Grand Prix à l’époque) et prix d’interprétation pour Charles Vanel, Ours d’Or à Berlin bref quand on s’attaque au Salaire de la Peur on sait qu’on va s’attaquer à un monument du cinéma (français).


Et bordel je n’ai pas été déçu, Clouzot nous sort peut-être là son meilleur film, le plus abouti en tout cas.


Il va tout d’abord nous plonger dans ce petit village d’Amérique du Sud, microcosme où on a quasiment aucun repère de temps ou de lieu, un endroit multiculturel où la seule barrière qui existe entre ces gens est la condition sociale.

Clouzot va donc d’abord nous présenter ses personnages et les faire évoluer dans un certain quotidien, quasi documentaire, tout cela va leur apporter une certaine épaisseur et puis surtout on va comprendre pourquoi ces personnages vont accepter de partir à la mort pour 2000 dollars sachant qu’ils ont tous une raison particulière. Ce sont tous des personnages à part entière et non pas de la chair à canon, il y a de la nuance et surtout nos rapports aux personnages changent au fur et à mesure du film.


Clouzot va prendre le temps de poser son décor, ses personnages, ses enjeux pour nous faire comprendre l’absurdité de cette mission suicidaire. On va être avec eux tout du long et on va donc s’attacher à ces 4 personnages de conditions sociales plus ou moins différentes qui vont être mis sur le même pied d’égalité via cette mission.

Le film va monter crescendo, déjà jusqu’au début de la mission où on sent réellement l’enjeu énorme qui se joue, et ensuite jusqu’à la fin du film où certains moments d’angoisse vont atteindre un sommet dans le genre.


Parce que oui toute la seconde partie avec les 2 camions qui partent en mission c’est sans doute ce que j’ai pu voir de plus fort en terme d’angoisse pure, j’avais les mains moites rien qu’à voir Yves Montand roulé au pas avec ce camion plein de nitroglycérine. Tout ça grâce à une réalisation chirurgicale de Clouzot, surnommé le Hitchcock français, je pense qu’après ça ça aurait dû être Hitchcock le Clouzot britannique, ses plans sur les roues qui roulent tellement lentement qu’on voit quasiment dans chaque situation ne fait qu’augmenter l’angoisse.


L’idée que si il y a une explosion ce n’est pas l’explosion en soi qui peut être un danger mais les projectiles c’est tellement brillant et surtout la manière dont il le filme.


Et là encore Clouzot va prendre le temps de faire naître la tension jusqu’à qu’elle atteigne son paroxysme.


Tous les acteurs sont géniaux, premier film que je vois d’Yves Montand (ou 2eme je ne sais plus) mais quel charisme incroyable même si son personnage est abjecte par moment. Pareil pour Charles Vanel qui n’a pas volé son prix d’interprétation. Le seul personnage (et je dis bien personnage et non actrice) sur lequel je suis perplexe c’est celui de Vera Clouzot… je trouve son amour inconditionnel envers Yves Montand un peu gênant sachant comment il la traite, après peut-être qu’elle fait tout ça car elle voit en lui un échappatoire à cet endroit maudit? Peut-être.

Autrement c’est parfait, jamais manichéen, jamais caricatural, toujours très juste.


Bref je pourrais en parler des heures tant le film me passionne, sachant que j’ai à peine évoquer l’aspect social, le film est tellement dense alors qu’il pourrait paraître simpliste aux premiers abords, chef d’œuvre !

Eykho
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le 4 mars 2024

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Eykho

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