L'essence de la vie

Le sens de la fête c'est avant tout le sens des valeurs, du besoin d'être ensemble, positifs, de se soutenir. Ce sens de la fête c'est celui d'une famille qui amuse et divertit les autres. Les réalisateurs nous immiscent dans une communauté : celle des coulisses, celle qui fait de dérouler au mieux les soirées, celle qui cherche à faire du bien aux gens.

La trame de l'histoire montre beaucoup de similitudes avec les films précédents de Toledano et Nakache, en particulier Nos jours heureux. Ici, Max (Jean-Pierre Bacri) dirige une entreprise organisatrice de réceptions, fêtes, mariages. Pendant près de deux heures nous suivons ce héros un peu bougon, terre à terre mais respecté mettre en œuvre les derniers préparatifs du mariage de Pierre (ce dernier écrase tout à fait sa femme pour s'occuper de tout et être au cœur de cette soirée) joués par Benjamin Lavernhe et Judith Chemla. Il faut l'admettre, le casting est très agréable à regarder, la direction d'acteur très bonne. Les personnages sont bien travaillés et permettent de plutôt se laisser porter par des péripéties pourtant très attendues.

Le véritable hic, vient de la mise en scène. Sûrement à cause des dialogues et des situations. Presque tout le film est porté par les dialogues, si bien que le montage rapide que nécessite une comédie devient vite monotone et ne permet plus aux blagues de surprendre et donc de faire rire. Heureusement, par quelques moments des plans longs veulent souligner l'effervescence des cuisines (comme précédemment dans la scène d'ouverture de Samba) et réussissent assez bien à apporter un vrai rythme sans rendre compte tout-à-fait de ce qu'est un coup de feu en cuisine.
Néanmoins, s'il faut souligner une grande réussite sur ce film : la musique de Avishai Cohen - jazzman de génie. Pour autant, bien que la musique soit sublime et apporte véritablement quelque chose au film, dans les rares instants d'agitation il y a de grandes similitudes avec des séquences de Birdman qui font sortir un peu du long métrage. De même, un autre gros défaut du film : sa lumière. Pas de vraies ambitions d'éclairage. La lumière n'ajoute rien au film, pire elle fait prendre au spectateur une distance.

Cependant, il faut souligner que deux scènes sont complètement réussies. C'est encore mieux quand on sait que ce sont deux séquences de fête (et de nuit) : le moment où la foule se lâche et commence à danser et à vivre la soirée comme il est souvent de mise dans les mariages et la scène de la surprise du mari à sa femme, douce et poétique, qui permet au public d'arrêter de rire pour s'émouvoir et s'émerveiller un peu. Malgré des dialogues très portés sur les rires, et le comique de situation, dans quelques circonstances de très belles réflexions arrivent pour nous montrer que, après tout, c'est beau la vie.

Toutefois il manque quelque chose au film. Sûrement plus de subtilité aurait permis des décalages plus marquants. Quelques clichés sont exploités sans hélas être bien utilisés dans les ressorts comiques. Ce n'est pas la comédie de l'année (mais elle reste meilleure que bien des comédies françaises, ou non d'ailleurs).
Enfin, ce long métrage n'est pas réaliste, mais le mélange de tout ce qui fait ce film le rend vraisemblable. Jamais deux personnes qui se détestent ne peuvent ... Jamais une erreur comme celle ci ne pourrait ... Jamais la simple présence d'une mallette permettrait ... Mais après tout pourquoi pas, on veut y croire peut être avant tout parce que tous les personnages ont un côté attachant. Lellouche fait du Lellouche, Macaigne du Macaigne, Rouve du Rouve, Bacri du Bacri c'est déjà vu, certes, mais ils sont sincères, ne sont pas cabots. Quelques très belles découvertes en en terme d'acteurs de cinéma : Eye Haidara, Alban Ivanov ... Certains sortent de leurs rôles habituels : Suzanne Clement, Helene Vincent. On ressent une belle énergie.
On pouvait craindre que le film soit un simple prétexte (caprice) pour tourner avec Jean-Pierre Bacri. Néanmoins, il y a beaucoup de comédiens "principaux " qui secondent ce dernier et aucun ne s'efface derrière lui. Probablement grâce à la contrainte de l'unité de lieu et de temps. D'autre part, la multitude de petites anecdotes apporte une sensation de vécu qui renforce la simplicité du film. Ce qui fait la magie d'un mariage c'est ce qui ne fonctionne pas comme prévu.
L'amour est au cœur du film comme souvent dans la filmographie des deux réalisateurs. Cet amour est souvent improbable mais dans la façon dont il intervient, semble nécessaire et seul remède possible aux problèmes.

Au final, on en ressort plutôt content. Ce n'est pas un chef d'oeuvre, cela aurait pu (dû) être plus drôle. L'humour joue un peu trop avec les insultes et les clichés sans les exploiter pour l'histoire. C'est souvent plus la vanne qui est prétexte à la situation. La blague passe un peu trop avant l'histoire. Mais les messages de confiance, d'amour et de bienveillance, véritables sujets du film plus que les coulisses d'un mariage, arrivent à produire de l'émotion chez les spectateurs (beaucoup de rires et des larmes lors de la projection). C'est l'essentiel.