Le septième juré est sans aucun doute le meilleur Lautner, puisqu'il prouve qu’il est capable de dépeindre une société cynique, au bord du gouffre moral, sans tomber dans la caricature et l’humour potache. Pour ce film, il est accompagné de son fidèle compère (Bernard Blier) qui endosse ici un rôle sombre, tout en introspection. Celui d’un pharmacien extrêmement crédible et poignant dans l’incarnation du remords et de la rage silencieuse. Ce pharmacien, pour qui tout bascule lorsque avili par le poids de son quotidien devenu fade, il est transpercé par une fureur de vivre qui, paradoxalement, va donner la mort.
Impulsion ? Préméditation ? Élan de désespoir ? Folie passagère ? L’on ne peut interpréter son acte de façon rationnelle, mais l’on peut toutefois s’inquiéter de la tournure que prennent les événements lors de l’enquête. Dénonciation au faciès, raisonnements approximatifs, justice factice, aveuglement (volontaire ?) des classes hautes. Cette œuvre est une acerbe critique à cette haute société qui se complaît dans son confort, qui se nourrit des apparences qu’elle véhicule sous des faux semblants de bonne moralité. Comment accepter qu’un notable père de famille, mari irréprochable, pharmacien compétent puisse commettre un tel acte ? Cela ne semble pas acceptable, oh non. Il faut donc s’acharner sur un autre bouc émissaire, dont l’accusation ne remettra pas en cause des croyances et un mode de vie bien installés. Il est plus simple d’accuser un jeune perdu et faible aux mœurs douteuses, plutôt qu’un bon père de famille, véritable pilier de la vie de la cité. Lautner fait donc office de 8 ème juré : il pousse avec cette oeuvre un cri silencieux, un véritable souffle de conscience sur une société décadente en pleine mutation.