"Le serpent" est tiré d'un roman de Pierre Nord, "le treizième suicidé" que je ne connais pas.

Les années soixante-dix sont assez propices aux films d'espionnage qui traduisaient au cinéma la rivalité entre les deux blocs Est/Ouest qui s'observaient, s'espionnaient, couraient aux armements sophistiqués. On découvrait régulièrement que l'URSS avait réussi à placer des agents doubles au sein de certaines administrations occidentales entrainant des crises plus ou moins importantes, avec expulsions, procès etc. De l'autre côté, ce devait être à peu près la même chose mais c'était plus confidentiel.

Là, le film évoque la fuite vers l'occident d'un ponte du KGB, le colonel Vlassov. Il se réfugie aux USA où, pour prix de sa protection, la CIA exige en retour les noms de traitres ou agents-doubles dans les services secrets des pays occidentaux. D'assez bonne volonté, le colonel livre une liste de noms entrainant, évidemment, une vague de suicides ou de fuites jusqu'au jour où …

L'histoire reste intéressante car, bien construite, elle conduit à un retournement de situation "surprenant" même si on voit peu à peu venir Verneuil avec ses gros sabots. Même si la mise en place de l'action prend un peu de temps et peut sembler un peu longuette.

Le film présente plusieurs autres intérêts.

D'abord, il est assez didactique et même tiendrait parfois du documentaire lorsque le narrateur explique le fonctionnement de la CIA et sa mécanique systématique du renseignement. Un peu daté, pour le fun, lorsque le narrateur (Jean Desailly) évoque les millions de cartes perforées utilisées annuellement pour alimenter les puissants ordinateurs … Qui se souvient des paquets de cartes perforées et du cauchemar associé de la faute de frappe ??

On a compris que le sujet concerne des gents américains, russes , français, allemands, britanniques, etc : Verneuil a organisé la VF de façon assez subtile en faisant parler les protagonistes dans leurs langues natales (et donc sous-titrées sauf pour les français, of course) et traduites par un narrateur lorsqu'il s'agit de conférences ou de réunions plus globales ; dans ce dernier cas, la voix off s'impose sur les échanges en langue anglaise qui restent audibles. Pas souvent que j'ai vu ça au cinéma. C'est le genre de truc qu'on voit, par exemple, dans un reportage aux infos sur un débat dans une assemblée où le journaliste se fait l'interprète des différents orateurs pour rendre compte de la teneur des débats. Sauf que dans "le serpent", ce n'est pas interprété, c'est complètement traduit. Ça donne un petit cachet de spontanéité et d'authenticité. Ça crée une espèce de dynamique dans l'action, assez linéaire, du film.

L'autre grand intérêt du film, c'est le casting qui réunit de grands noms du cinéma international. Du côté des français, Philippe Noiret et Michel Bouquet, du côté américain Henry Fonda, du côté russe Yul Brynner, du côté britannique Dirk Bogarde, …

On peut regretter que la part dévolue aux actrices soit un peu réduite. Bon, il y a une croquante et malicieuse Virna Lisi mais il y a surtout une émouvante et belle Marie Dubois que j'aurai bien appréciée un peu plus longtemps.

Au final, film d'espionnage intéressant et crédible en termes de machination ou de jeux mortels. On se rend compte que lorsqu'on creuse le passé d'un individu, on peut facilement déduire tout et son contraire.

Le rythme un peu lent du film, même s'il est nécessaire pour s'imprégner de la complexité de ce monde parallèle, peut rebuter nombre de spectateurs.


JeanG55
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le 25 avr. 2023

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