Prenante cette première apparition à l'écran de l'inquiétant Hannibal Lecter esquissé par Dan Harris. Michael Mann s'approprie l'univers de l'auteur pour en délivrer une proposition passionnante. Manhunter avait tout pour devenir le film de sérial killer par excellence, mais il se conclut malheureusement bien trop maladroitement pour jouir de ce statut. C'est certainement la panne d'inspiration globale qui caractérise son final, ainsi que l'acting assez limite de quelques rôles importants qui font qu'il est aujourd'hui relativement méconnu, alors qu'il mérite tout sauf de l'indifférence.

Il est en effet porté par une telle réalisation qu'on en oublierait volontiers tous ses défauts. Les passages introduisant le Dr lecteur valent à eux seuls le visionnage tant ils sont subtiles et explosifs. Le face à face William Petersen / Brian Cox est savoureusement rythmé par des dialogues ciselés qui font autant sourire qu'ils sont glaçants. Quant à son dénouement, Michael Mann n'en laisse aucun doute en filmant avec énergie la fuite du policier de cette prison censée détenir son ancien adversaire alors qu'elle en simplement devenue son nouveau fief. Et lorsque par la suite, les deux hommes se reparleront, ce ne sera plus dans la même pièce.

Devant la fougue du génial Lecter, on en vient à regretter qu'il ne soit pas le psychopathe central de Manhunter. Ce dernier souffre en effet terriblement de la comparaison avec le mal ultime que le Dr réussit à incarner en l'espace de deux séquences quand le dragon rouge peine, lui, en un film complet, à nous faire simplement tressaillir. Résultat, lorsque Michael Mann s'intéresse enfin à ce psychopathe dézingueur de familles heureuses, il sombre peu à peu vers l'approximatif. Là où l'enquête était précise et inspirée, notamment lors des plongées du profiler dans l'esprit de sa proie (une idée géniale mais finalement peu exploitée), elle devient brouillonne et peu crédible pour se conclure dans cette logique, par un Monk time banal qui permet aux flics de trouver enfin leur ennemi numéro 1 (le coup des vidéos, c'est un peu nase). Quand au final, il vire presque à la farce, Tom Noonan en fait beaucoup trop et Petersen devient irréfléchi alors qu'il était jusque là impeccable. Difficile de se dire que Michael Mann a pu réaliser cette impeccable première heure pour la démolir en l'espace de vingt minutes. Quant aux 3 dernières, elles sont tout simplement hors contexte.

A l'heure du bilan, il y a de quoi être un peu amer devant tout ce potentiel inexploité. Si j'ai aimé Manhunter pour sa superbe réalisation ainsi que son très pesant travail d'ambiance, je l'ai néanmoins trouvé beaucoup trop inégal et surtout handicapé par une dernière partie qui semble issue d'un tout autre film. Le manque de charisme évident de Tom Noonan combiné au parti pris de Mann de basculer l'attention sur ce dernier éteint chaque étincelle que Petersen avait pourtant semée jusque là avec application et dont j'attendais patiemment une inévitable explosion qui ne vint jamais. Frustration !
oso
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le 13 avr. 2014

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