N’ayant jusqu’ici vu que Le Grand Amour d’Étaix, je découvre en le reprenant dans l’ordre qu’il a toujours eu cette touche de surréalisme en lui, mais aussi, plus surprenamment, de Charlot. Car si son personnage unique est celui d’un clown filmé, aussi malléable que victimisé, c’est autre chose de le voir dans ce rôle semi-muet, beaucoup mimé, qu’il dote de grands mouvements tout en faisant un théâtre des jeux de scène filmiques.


Composant son image et son son sur plusieurs niveaux, avec pour faire bonne démesure un étage de grotesque, Étaix forme des petits sketchs soignés. Il attaque et se complaît toujours à la fois dans la bourgeoisie, ici ses ”parents” qui s’exaspèrent d’un rien et multiplient les hypocrisies sans jamais laisser transparaître qu’ils peuvent être autre chose que des colocataires râleurs.


Étaix est vieux garçon et toute son existence d’une heure et demie est fondée sur son aveuglement, celui qui le fait chercher loin ce qu’il réfute en lui-même, incapable de poser son regard sur ce qu’il a sous les yeux, que ce soit des chaussures, une tasse de thé ou la jeune Suédoise au pair.


C’est la source de son humour et de ses absurdes désillusions, mais aussi un peu des nôtres : il y a quelque chose de crispant dans le côté vaguement visionnaire d’Étaix en ce qu’il ridiculise l’esprit bourgeois, parce qu’il ne s’en sort pas lui-même, avec pour résultat un pamphlet mou, une critique essoufflée, et les personnages des parents qui servent d’accessoires aux gags, sans plus manifester de désapprobation qu’un ”tu ne pourrais pas faire un peu moins de bruit ?” quand le jovial dépasse les bornes.


Étaix concilie son humour et son ingéniosité dans une compilation de petits gestes et de cadrages brillants qui amènent aisément le rire, par contre c’est faire semblant que l’ambiance est réussie que de l’apprécier pour cette moelle.


Quantième Art

EowynCwper
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le 26 août 2019

Critique lue 151 fois

Eowyn Cwper

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