Le dernier film de Barry Levinson (Sleepers, Rain Man, Godd Morning Vietnam...), sorti en 2021, n'a même pas eu le droit à sa sortie en salles françaises...A partir d'un sujet à priori maintes fois traité (la Shoah et les camps de la mort), ce long-métrage se révèle pourtant être d'un grand intérêt avec l'exhumation d'une histoire peu connue et grâce à l'interprétation sans faille d'un grand Ben Foster.


En 2013, le film français Victor Young Perez de Jacques Ouaniche, incarné avec force par l'ancien boxeur Brahim Asloum, avait à l'époque soulevé le voile sur un sujet rarement évoqué : la vie des sportifs, en l'occurrence un boxeur, dans les camps de concentration allemands durant la Seconde Guerre Mondiale. Avec une autre approche, Levinson s'attaque à un sujet similaire en adaptant la biographie de Harry Haft décédé en 2007, Harry Haft : survivant d'Auschwitz, challenger de Rocky Marciano, écrite par son fils Alan Scott Haft.

Tourné en Hongrie et aux Etats-Unis, The Survivor prend le parti d'évoquer deux périodes distinctes de la vie de cet ancien boxeur : sa survie dans les camps par et grâce à la boxe ainsi que sa difficile reconstruction au lendemain de la guerre dans un pays étranger. En alternant les scènes de flashbacks dans le passé dans un noir et blanc quasi-documentaire et les scènes présentes en couleur (avec une belle reconstitution de l'Amérique de la fin des années 1940), Levinson au lieu de s'appesantir sur la grande Histoire cherche surtout à cerner au plus près l'histoire de son personnage principal et de ses combats. Alors que les combats américains, en couleur, sont chorégraphiés, rythmés et n'ont rien à envier aux canons du genre, les matchs pour la survie à Auschwitz dévoilent au contraire une violence brutale et sèche, rehaussée par la musique sobre de Hans Zimmer, des dialogues rares et une sublime photographie de George Steel.



TRAUMA


Au-delà de l'aspect purement sportif du film, qui nous permet de croiser Danny DeVito et John Leguizamo en entraîneurs de boxe, The Survivor s'intéresse finalement surtout à l'après, à la fin de la guerre et à la tentative de reconstruction d'un homme traumatisé par ce qu'il endura...et par ce qu'il fit endurer. En effet, tel des combats de gladiateurs les matchs de boxe au camp impliquent que le perdant soit tué, Haft se retrouvant ainsi obligé de signer l'arrêt de mort de ses codétenus par la force de ses poings. Isolé dans les camps à cause de ce rôle trouble, il ne le sera pas moins ensuite lorsqu'il racontera son histoire à un journaliste intrigué qu'on ait pu survivre plus de six mois dans un camp où la moyenne de vie n'excédait que rarement un mois...

Héros ou traître, celui qui se faisait nommer « le juif de Schneider », le nazi qui le recruta pour se faire de l'argent via des paris clandestins, dans les camps ne survit que grâce à l'espoir de retrouver Leeah, sa fiancée disparue pendant la guerre. Son seul but qui lui fera affronter le grand Rocky Marciano, futur champion du monde, dans l'espoir d'un battage médiatique qui arriverait jusqu'aux oreilles de son amour perdu.

Esseulé sur une plage lors de la première séquence du film, Haft durant la dernière séquence finale sera entouré de sa famille, celle qu'il s'est créé aux Etats-Unis malgré son antipathie, son autoritarisme et ses traumas. N'ayant rien à envier à Christian Bale ou Joaquin Phoenix, Ben Foster a subi une profonde transformation physique pour incarner un boxeur bien bâti en fin de carrière et en même temps un survivant des camps n'ayant que la peau sur les os. Au-delà de son apparence, il domine le film qu'il marque de son interprétation d'un personnage complexe et tourmenté.


Loin du chantage aux pleurs qu'on aurait pu craindre, Levinson, à partir d'un sujet qui lui tenait à cœur (un de ses oncles connut les camps de la mort), signe au contraire un film sobre qui s'attache à son personnage et à ses démons tout en posant la difficile question du difficile témoignage d'une des époques les plus sombres de notre Histoire.


Retrouvez l'évaluation d ela partie technique du Blu-Ray sorti chez Metropolitan par ici : http://www.regard-critique.fr/rdvd/critique.php?ID=7267

SB17
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Mes DVD : américains et anglophones. et Regard critique.

Créée

le 9 déc. 2022

Critique lue 91 fois

2 j'aime

SB17

Écrit par

Critique lue 91 fois

2

D'autres avis sur Le Survivant

Le Survivant
Trilaw
7

« Six millions de morts parmi les nôtres. Pourquoi as-tu survécu ? »

Le film relate la survie grâce à un sport, ici, la boxe dans le camp d’Auschwitz. Une scène est particulièrement bouleversante : celle où il doit battre son ami, quelqu’un avec qui il a partagé les...

le 2 nov. 2022

4 j'aime

Le Survivant
SB17
7

Combats d'une vie

Le dernier film de Barry Levinson (Sleepers, Rain Man, Godd Morning Vietnam...), sorti en 2021, n'a même pas eu le droit à sa sortie en salles françaises...A partir d'un sujet à priori maintes fois...

Par

le 9 déc. 2022

2 j'aime

Le Survivant
flowrak
3

Critique de Le Survivant par flowrak

Qui a déjà connu un biopic de moins de 2h de film ou sur des sujets comme la 2nde Guerre Mondiale ?Parce que je veux bien être indulgent mais une nouvelle fois ce biopic The Survivor sur le boxeur...

le 16 oct. 2022

2 j'aime

2

Du même critique

Milan Calibre 9
SB17
8

L'homme qui valait 300 000 dollars

(1972. FR.: Milan calibre 9. ITA.: Milano calibro 9. Vu en VOST, Blu-Ray Elephant Films) A peine sorti de prison, Ugo Piazza (Gastone Moschin) se retrouve dans l’œil du cyclone. Entre l’organisation...

Par

le 1 avr. 2021

24 j'aime

6

Colorado
SB17
8

La dernière chasse

(1966. FR : Colorado. ITA : La resa dei conti. ENG : The big gundown. (titre français assez débile puisque le film se déroule au Texas et au Mexique…) Vu en VOST, version Director's...

Par

le 2 janv. 2021

20 j'aime

9

Le Boss
SB17
8

La valse des pantins ou… Henry (Silva), portrait d’un serial-killer !

(1973. Il Boss. Vu en VOST, Blu-Ray Elephant Films) Palerme, années 1970’s. Suite à un massacre commis par Lanzetta (Henry Silva), sur ordre de Don D’aniello (Claudio Nicastro), contre la famille...

Par

le 9 avr. 2021

18 j'aime

3