Il est vraiment très intéressant de se pencher sur le cas du Talentueux Mr Ripley, car c’est un immense portrait qui en est fait, légèrement biaisé, mais redoutablement précis de son personnage central. Tout s’articule autour de lui, et son principal trait de caractère est finalement de vivre entièrement par les autres, essentiellement par les personnages masculins qui l’entourent. C’est une sorte d’homosexualité complètement désexualisée (tout a été évacué à ce niveau), où Tom étudie les personnalités qui l’entourent et cherche à se formater pour faire fonctionner au mieux les relations qu’il entretient avec ladite personne. Ici, l’idée est poussée à l’extrême, avec le suivi incroyablement détaillé de sa relation avec Dickie Greenleaf. Il se fabrique une passion pour le Jazz afin de se rapprocher artificiellement de Dickie, et se livre totalement à lui, révélant au grand jour son attachement violent à sa personne. Ce qui gêne à la longue ceux qui l’entourent, car ils se sentent prisonniers de cet attachement, lentement consommés par ce beau Tom Ripley qui les singe avec talent, agissant comme un miroir et leur renvoyant ce que lui-même voit. Aussi, quand survient la douleur des disputes et de l’éloignement, il n’a à leur reprocher que leur désintérêt des autres, qu’il assimile à une forme d’égoïsme. Tom Ripley refuse totalement la vie telle qu’elle se déroule, l’impossibilité de la figer, et donc ressent avec cruauté chaque éloignement comme une défaite majeure. Là où le film passe un cap, c’est dans l’usurpation d’identité. Passé le meurtre, le film se transforme en jeu de rôle où Tom jongle avec différentes identités, et où le film s’articule alors comme un thriller sur le fil du rasoir (la moindre erreur pouvant faire effondrer le mensonge comme un château de carte). Car finalement, c’est un film sur le mensonge à grande échelle. Tom Ripley est un menteur né qui ne semble vivre que pour vampiriser ceux qui l’entourent, et s’y attacher comme du lierre autour d’un arbre. En cela, je trouve l’angle de vision du film un peu biaisé, par si les effusions sentimentales sont sincères, Tom Ripley est bien un monstre, dans sa tragédie car il l’ignore, et que son entière personnalité semble vouée à faire le mal en souhaitant amour et fusion mentale. Tom Ripley (dont le nom ne prête pas à confusion), c’est le phagocytage total d’une personnalité, quelqu’un qui n’emporte rien de personnel dans la vie (les goûts de son intérieur quand il réaménage les lieux sous l’identité de Dickie) pour chercher la nourriture spirituelle dont il se repaitra quelques temps. Mais chaque relation est vécue puissance 10, sans le moindre recul ni regret, comme si cette dernière allait être la bonne. C’est indéniablement ce qui fait la force du film, cette proximité avec le personnage et son ressenti sincère, un magnifique exemple de portrait, à la fois psychologique et émotionnel. En rajoutant à cela une splendide direction artistique et de belles séquences de cinéma (le morceau de Jazz, l’escale en voilier glauque), Le talentueux mr Ridley a mérité son statut d’œuvre incontournable, démontrant une nouvelle fois les talents d’acteur de Matt Dammon.

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le 23 mars 2014

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Voracinéphile

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