Je vais avouer franchement que j'ai mis un certain temps avant de pouvoir formuler ce que je pense de ce film. J'ai su dès la fin de la vision que j'ai aimé. Là, il n'y a pas de problème. Par contre, il a été nettement plus difficile de trouver pourquoi j'ai aimé ce film, du moins sur le plan de l'histoire. En effet, je me suis creusé la tête pour savoir où le contenu voulait exactement en venir et je n’ai toujours pas trouvé.


En fait, c'est cette incertitude, je crois, qui est responsable en partie du fait que j'ai aimé ce film. Je sais pertinemment que j'en ai défoncé d'autres et que j'en défoncerai pour cette raison, mais pour moi ici c'est une qualité.


Déjà, incertitude sur l'époque. Avec cette histoire, on pourrait penser que l'ensemble se déroule pendant l'ère Meiji ou pendant les très militaristes années 1930 (voir les scènes dans le collège !), mais il y a des accessoires, qui font trop ostensiblement leur apparition pour que cela soit involontaire, comme cet appareil photo très années 1960, pour que l'on puisse situer quoi que ce soit. Et ce n'est pas l'épilogue en couleurs qui va arranger les choses. Les repères temporels sont totalement brouillés.


Mais ils ne sont pas les seuls à l'être. Avec la séquence d'introduction et les premières scènes, on croirait que c'est le personnage de la sublime Ayako Wakao qui va être le pivot de l'ensemble. Pas du tout, on va bifurquer radicalement vers le jeune apprenti du bonze, traité comme de la merde par ce dernier (d'ailleurs, la première fois, que l'on sent très désagréablement odorante, où l'on voit le personnage central, on peut parler à peine d'une comparaison ; bon appétit si vous êtes à table !).


On croit ensuite que l'on va aller vers une sorte de Facteur sonne toujours deux fois, pas du tout. S'il n'y a aucun doute que l'Ayako soit attirée par le jeune homme, elle ne montre aucun signe d'une quelconque volonté de nuire au vieux gros et chauve moine bien obsédé (oui, les religieux ici sont plus prompts à écarter des cuisses qu'à se mettre à genoux !) qu'elle se tape plus ou moins plaisamment, pour s'assurer un toit. Non, c'est une femme tout à fait normale (plus sexy que la moyenne évidemment !).


En fait, on va suivre un jeune apprenti, tout de colère rentré face à l'injustice de son sort, qui fait face à un présent peu enthousiasmant et à un passé traumatisant, avec abandon familial à la clé. On va s'attacher à cet être souffrant. C'est lui le cœur de ce film.


Autrement, l'ensemble est admirablement filmé par Yūzō Kawashima. Chacun de ses plans est finement composé. Le point d'orgue est sans conteste la séquence de l'enterrement, où le réalisateur réussit prodigieusement, en plaçant sa caméra aussi mémorablement qu'habilement, à mêler un fort humour noir et un suspense qui n'a rien à envier à Hitchcock.


Bref, Le Temple des oies sauvages est une oeuvre qui trouve sa richesse en étant brumeuse de bout en bout. Fascinant, troublant et hypnotique.

Plume231
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le 3 juil. 2020

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Plume231

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