Dès le départ, on sent une ambiance assez intimiste, contemplative, envoûtante, mais qui explose soudainement. J'ai aimé cette introduction qui vous place dans une sorte de bulle, isolée du temps et du reste du monde grâce à un jeu sur le son et l'image, étouffé pour l'un et souvent ralenti pour l'autre. L'histoire démarre donc aux abords d'un bouge de la pire espèce, où se rencontrent des hommes durs, violents, isolés du monde de part leur travail et l'emplacement de celui-ci. On arrive dans le grand Nord, en Alaska, avec déjà à la bouche un goût de poing sur la gueule et de désoeuvrement.
On fait progressivement connaissance avec les hommes et leur protecteur, héros malgré lui de cette fresque tragique.
Impossible de ne pas voir les vieilles références de la ruée vers l'or Américaine et la désillusion de ces hommes qui abandonnent tout pour une promesse gros salaires. Manipulés et considérés ni plus ni moins que comme du bétail, leur situation est explosive avec l'isolement et la promiscuité, mais surtout à cause de leur lucidité.
Ce ne sont pas de mauvais bougres. Et même si bien sur un personnage est agressif et vindicatif pour le besoin du scénar, on le découvre grâce à une orientation intelligente sur les personnages et leurs relations. Quelques scènes coupées sur le blue-ray viendront d'ailleurs agrémenter leurs relationnels et nuancer la vision du spectateur. Bien vu.
Le pitch est classique, et si bien sur on pense d'office au film de Franck Marshall, "Les Survivants" tirée d'une histoire vraie; (un crash dans les Andes en 1972 dont les survivants se sont résolus au cannibalisme pour survivre) l'auteur nous rappelle l'histoire brièvement sur le ton de la dérision, pendant le film. Une pirouette rigolote et un pied de nez aux adepte du pointage du doigt.
La mission finie, donc, tout ce petit monde de travailleurs du grand Nord rentre au bercail. Mais l'accent est tout de suite mis sur les conditions extrêmes de leur lieu de travail : le dégivrage difficile de l'avion, les tempêtes de neige, et bien entendu, des Loups gigantesques, sournois et chasseurs habiles.
Ces derniers sont montrés, (presque magnifiés) dans leurs milieu naturel, leurs besoins et leurs habitudes sociales. Une société qui ne peut cohabiter avec celle de nos travailleurs. C'était bien sur un prétexte pour planter le décors, mais le reste vaut largement le détours.
Une fois dans l'avion, on suggère assez finement et progressivement que le crash va se produire. Entre nervosité de certains et détails de plus en plus marqués, on y arrive. Mais toujours de manière à ce que le spectateur le devine. Jamais à cause d'un dialogue ou d'une musique. Un jeu de regards, un souffle, de la vapeur d'eau... Toujours portés par une mise en scène appropriée et une photographie irréprochable. Du grand art.

Une fois le crash consommé, on rentre dans le vif du sujet, avec la partie survie. Les loups sont largement disproportionnés et très agressifs. Mais asservis aux besoins de la narration et du style du film. Chaque attaque est violente, sournoise, rapide et toujours surprenante. Les jeux de lumières, le choix des plans et les effets spéciaux sont exceptionnels.
La trame prend en plus le temps d'instaurer des cassures de rythmes inattendus, entre contemplation, flashbacks, action extrême mais réaliste.
Le cerise sur le gâteau étant ce jeu très visuel entre le mari et la femme disparue, qui va durée jusqu'à la fin. De petits moments d'intimité où on ne sait pas (jusqu'au terme de l'aventure) si il s'agit d'un rêve, d'une hallucination ou d'un souvenir. Le déchirement causé par la disparition brutale et systématique de cette épouse, encore et encore, mêlé au retour brusque et brutal à la réalité est brillant. Et même si il a déjà été montré à l'écran, il est cette fois réussi.

Les personnages sont développés avec finesse, de manière non manichéenne et plutôt profonde. Même l'emmerdeur de service se dévoile plus fin et moins basique qu'il n'y paraît.
Et même si la bestialité des loups laisse souvent pantois, la force et l'intensité de leurs regards leur donne une prestance impressionnante.
L'histoire vous prend souvent au dépourvu et notamment parce qu'elle ne vous imprime pas une direction lumineuse en néon clignotant toutes les trente secondes.
La fin du film ne manquera pas d'ouvrir les débats, loin qu'elle est du schéma de base Hollywoodien.
Il manque peut être un peu de profondeur pour en faire un film inoubliable, mais il a d'énormes qualités, en faisant vite oublier les barrières et les clichés du genre, en captivant du début à la fin, en déroutant parfois mais en forçant surtout le spectateur à écouter, à voir, à ressentir.
Nickel.

Créée

le 16 août 2013

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amjj88

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