Étant donnée l’affection portée par la Russie au thème de la guerre, il n’est pas très surprenant de tomber sur un authentique film de tanks chez eux. Chose difficile quand le jeu vidéo s’est largement accaparé la façon dont le film intègre les combats à 100% dans son scénario.


Heureusement, on n’est pas chez les Américains et la comparaison vidéoludique peut s’arrêter là : en réalité, Le Tigre Blanc est un excellent film dans sa catégorie. Les immenses champs de bataille profitent bien entendu des terres russes innocu— Ah non, la scène du village a été reconstituée chez Mosfilm. Je disais donc que la plupart des champs de bataille sont une exploitation très digne des grands espaces orientaux, locations parfaites pour péter du décor & faire de l’ASMR visuel avec les explosions & les caméras embarquées sur les chars.


Il est dommage que l’œuvre dût me marquer comme un film de guerre, car elle donne un prestige particulier aux combats qui n’est pas belliqueux & où le Tigre Blanc, tank mystique, machine dotée d’une âme, résonne chez le spectateur comme une véritable entité vrombissante & mauvaise, sorte d’oncle moscovite bourru de la voiture Christine.


La Russie marche sur Berlin, bientôt la ville sera prise, & en attendant, aucun des deux camps ne se retrouve dans sa paperasse avec ce char mystifié qui hante des paysages pourtant déjà densément peuplés de fantômes.


Malgré qu’elle est impressionnante en direct & que le piège du jeu vidéo est nonchalamment évité, l’histoire laisse un sentiment mitigé d’inacompli, même si elle va très loin – & qu’elle s’en sort très bien – pour donner vie à ces tas de ferraille délaissés par les soldats avec plus de mépris encore que jadis les chevaux de guerre. En effet, on a beau avancer, on ne va nulle part ; les scènes se répètent & insistent quoiqu’elles respirent le mystère & une organisation militaire qui en jette.


C’est aussi un film qui gâche un peu ses effets brumeux & pyrotechniques, voulant trop en mettre pour le simple plaisir de l’œil (ce que le montage compresse déjà à lui seul). Le pire pour cette question d’inacompli reste à venir dans le dernier quart : les scènes belliqueuses marquantes cèdent leur place à des tergiversations diplomatiques longuettes finissant par être totalement hors-sujet. C’est pourtant comme cela que Chakhnazarov entend nous faire sortir de sa création.


La musique mal choisie ne m’aidera pas à écrire cet avis que je prévoyais très positif, & dont l’écriture révèle que j’ai vu un film où le charisme russe en matière militaire est surexploité, & dont les personnages ne sont que le squelette servant à faire tenir ensemble les quelques os d’un scénario tankophile très performant mais qui tiendrait en un moyen-métrage. Un bon point pour une ambiance surnaturelle à côté de laquelle il est difficile de passer.


Quantième Art

EowynCwper
6
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le 6 janv. 2020

Critique lue 279 fois

Eowyn Cwper

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