"La nuit du 27 Septembre 1945, je suis mort."

Par cette simple phrase, Isao Takahata qui réalise alors son chef d'oeuvre absolu, annonce le drame qui est sur le point de suivre. Une jeune garçon du nom de Seita est adossé à un pilier, plus mort que vivant, il se souvient du temps pas si lointain où sa jeune sœur Setsuko était encore vivante, il y a encore un mois, autant dire une éternité...

C'est sous ce schéma terrifiant que le réalisateur nous offre une vision de l'horreur de la guerre à travers l'exemple d'un couple fraternel uni comme jamais. Si l'impuissance de cette nation déchue et la détresse d'une population victime du résultat sanglant de la victoire américaine sur le sol japonais sont parfaitement retranscrite à travers ces brides d'éléments du quotidien, c'est avant tout par la justesse des propos de Takahata à travers ses deux personnages principaux et le désintérêt du conflit au profit du drame humain qui fait la grandeur du film. Car "le Tombeau des lucioles" est avant tout une histoire parallèle à l'Histoire, un récit réaliste et poignant que les vainqueurs n'évoquent jamais dans leurs écrits. Ici, point d'héroïsme guerrier ni de ferveur nationaliste face à un ennemi diabolisé, la guerre est présenté uniquement comme elle l'est réellement.

Tiré du récit autobiographique de Akiyu Nosaka, le film d'Isao Takahata nous embarque dans un voyage où les sentiments se confondent. La première partie du film, reflet imminent de la défaite du Japon, nous offre une ville de Kobe en proie aux flammes. Suite à ce carnage, la vérité apparaît soudain à nos jeunes protagonistes. leur mère protectrice désormais disparue, les voici confrontés à la dure réalité. Seita le grand frère, maintenant responsable de sa petite sœur, devra alors usé d'ingéniosité et de courage, refoulant volontairement ses sentiments et sa souffrance, afin de faire oublier les difficultés du quotidien. La deuxième partie illustre à souhait cette idée en menant le spectateur dans un voyages magnifiques aux abords de la nature. La magie prend et le spectateur devient un réceptacle de Setsuko transportés par les découvertes faites de rires et de mélancolie, oubliant le terrifiant contexte. Un contexte qui reviendra lors du dénouement.

Les lucioles, symboles omniprésent du film et signes annonciateurs d'une mort inévitable. Brillant de milles feux aux plus beaux moments de la nuit, mais tristement revenus à la réalité le jour, elles sont le portrait de la vie éphémère de Setsuko. Si la petite fille, dépendante de son frère dépassé par les événements, qui éprouve une peur chronique des privations de bonbons cache en vérité un grand courage devant le drame qu'elle se résoud à accepter petit à petit. Si ses premières réactions sont typique de l'égocentrisme caractéristique de son âge, sa volonté de ne pas trop se plaindre et de devenir une véritable femme en gardant leur taudis propre et rangé relève du courage le plus pur, mais aussi d'une absolue confiance en son frère pour arranger leur situation. Pendant les trois quart du film, le spectateur mise sur l’innocence totale de la réalité dans laquelle Setsuko ne cesse de s'enfoncer, mais cela n'est que tromperie. La petite désire avant tout ne pas inquiéter plus son frère. Elle a décider d'accepter son sort, elle a décidé de se laisser mourir. La guerre lui a ainsi privée de sa jeunesse, de sa vie, elle l'a compris et préfère y renoncer. Son sacrifice tend à facilité la vie de son aîné qui ne le comprendra jamais car elle n'a jamais eu les mots pour lui dire. Setsuko est aussi certainement l'auteur du passage le plus émouvant lorsqu'elle remercie son frère pour tout ce qu'il lui a donné comme amour. La scène suivante ouvrant sur des flash de la petite Setsuko, suivie de la chanson "Home Sxeet Home" est le moment ayant réussie à détruire le peu de résistance lacrymal qui me restait au visionnage du film. On se rend compte après toute cette souffrance sourde et injuste que le monde ne fera que mieux tourné comme si rien ne s'était produit.

Par ailleurs, si les apparences trompeuses auraient pu désigner Setsuko, le plus malheureux est certainement Seita. Préservant sa sœur, il prend sur lui et assume les responsabilités. Même s'il est parfois le stéréotype du jeune garçon courageux que les auteurs nippons d'après guerre développaient, ses moments de détresses et de faiblesses le rendent aussi touchant que sa petite sœur.

Ainsi, à l'instar de son illustre collègue Hayao Miyazaki, Isao Takahata aura réussi à bouleverser un public absolument pas préparé à voir un tel déluge d'émotion loin des codes occidentaux sur-exploités. La réalité, aussi cruelle et triste soit elle, nous est montré sans aucun détour et c'est sans doute pour cette raison que j'aime autant le Tombeau des lucioles, c'est magnifique par sa cruauté. Alliant un scénario extrême à une technique parfaite, la réalisation de Takahata est exemplaire, faites de sobriété et de plans mettant en valeur les personnages et les décors. De son côté, la bande originale composée par Yoshio Mamiya est tout simplement sublime et sonne comme un triomphe à la beauté et au drame.

Au final, "le Tombeau des lucioles", apparaît pour moi comme l'un des plus bel appel à l'humanisme, un véritable réquisitoire pour l'humanité. Un déchirement tellement beau, d'une sensibilité telle que seule les japonais ont réussi jusqu'à présent à m'offrir.

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le 28 juil. 2013

Modifiée

le 9 août 2013

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hanno_98

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