"La nuit du 21 septembre 1945, je suis mort", c'est sur ces paroles aux accents camusiens que s'ouvre Le Tombeau des Lucioles qui, dans la catégorie "les films d'animation c'est pas fait que pour les enfants" mériterait de remporter une palme.
Parce que ce joyau d'Isao Takahata, d'une exigence et d'un réalisme effarant, raconte le destin tragique de deux jeunes orphelins - un adolescent et sa petite soeur âgée de 4 ans malade à force de malnutrition - au cours de la déroute de l'armée japonaise au crépuscule de la Seconde Guerre Mondiale.
Le film, délibérément antimilitariste, évite tout manichéisme. D'ailleurs, les effets dévastateurs des bombardements ne sont pas uniquement suggérés : des civils brûlés à mort jonchent le sol et peuplent les hôpitaux, et c'est du chacun pour soi dès qu'il s'agit de se nourrir.
Quant à l'épilogue... Il aura fait pleurer dans les chaumières. Mais c'est aussi le petit reproche que je ferais à ce film d'un pessimisme absolu, qui a peut-être un peu trop tendance à jouer sur la corde sensible au détriment de l'humour - quasi-absent -, malgré les quelques rires de la petite Setsuko.
Et si le scénario s'avère finalement très simple, Isao Takahata le développe d'une manière magistrale. Les scènes où des lucioles éclairent la pénombre dans laquelle se retrouvent ces deux enfants livrés à eux-mêmes atteint des nirvanas de poésie. Le graphisme, superbe, et les décors magnifiquement peints à l'aquarelle, côtoient une bande originale relativement discrète mais très efficace - je pense notamment au morceau final, aux crépitements d'un vinyle, durant lequel il me semble bien difficile de ne pas verser les larmes rebelles qui jusque-là auraient refusées de couler.