Avant qu'Akira Kurosawa ne vole de ses propres ailes

C'était particulièrement intéressant de découvrir ce film juste après La bataille navale à Hawaï et au large de la Malaisie avec qui il partage plusieurs points communs (œuvre de propagande autour d'un homme fasciné par l'armée de l'air). A la différence du précédent, celui-ci bénéficie d'un scénario co-écrit par Akira Kurosawa mieux construit et plus subtil dans son discours. Par exemple, il n'est jamais fait référence à l'Empereur, ni même à la grandeur de l'armée impérialiste pour justifier l'engagement des deux frères. Il s'agit avant tout de conscience professionnelle et tensions psychologiques entre les deux héros, celui adopté commençant à douter de la sincérité des sentiments de son grand-frère.
Quand on connaît les thèmes et les figures récurrentes de Kurosawa, on a même envie d'y voir plusieurs éléments personnels (à moins qu'il ne s'agisse d'une extrapolation issue de la politique des auteurs) : deux points de vue s'opposant dans une recherche d'une vérité, le rapport à la nature et la présence des 4 éléments : la pluie, les rivières, la mer, l'océan, les arbres, les rivages, les nuages...
Certains beaux plans où les vagues viennent se fracasser sur les rochers au début du film laisse même espérer que Kurosawa était réalisateur de seconde équipe. Ca ne semble pas le cas par contre, on trouve cependant en co-réalisateur Senkichi Taniguchi. Difficile de savoir ce qu'il a réalisé mais je me demande s'il n'est pas tout simplement l'auteur des nombreuses séquences aériennes qui sont assez impressionnantes. Pour le coup, il ne s'agit pas de trucages et autres maquettes (à quelques très rares occasions qui sont encore signées par Eiji Tsuburaya) mais de caméras embarquées dans de vraies avions avec les acteurs placés dans le cockpit où ils subissent loopings, vrilles et autres piqués. Les premières séquences dans les cieux sont visuellement de grande qualité et renforcent la crédibilité de l'intrigue, tout en installant un certain suspens. En revanche, les suivantes ont tendance à être trop satisfaites de leur tour de force et s'avèrent bien trop longues et répétitives. On même l'impression que de nombreux plans sont repris des précédents vols. Ce n'est pas toutefois pas le cas lors de la seule séquence de guerre à la fin du film où l'avion du héros essaie d'abattre un bombardier américain. Ca ne semble pas être des stocks shots et vu les cadrages, ça n'a pas l'air d'avoir été tourné sur le vif lors d'un vrai raid. A moins qu'il ne s'agisse d'un tournage pour le film avec un bombardier « habillé » pour l'occasion et des trajectoires de balles faîtes directement sur la pellicule. Je serai curieux d'en savoir plus car cette séquence dégage un rare sentiment de réalisme pour cette époque.


En tout cas, le triomphe des ailes se regarde avec un plaisir non feint (dans le cadre d'un film de guerre de propagande). On voit qu'un effort a été fait pour éviter les écueils du genre, pour étoffer les relations entre les personnages, pour apporter une sensibilité dans le traitement et pour ancrer le film dans son sujet. C'est sur ce dernier point qu'on sent la présence de Satsuo Yamamoto derrière la caméra qui donne à une nombreux moments une approche documentariste.
Il manque encore cependant une interprétation à la hauteur Joji Okaest trop monolithique, les rôles féminins ne sont trop absentes) et des séquences aériennes utilisés avec plus de parcimonie.

anthonyplu
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le 21 oct. 2018

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