Lors des âges obscurs et éloignés de mon enfance, je n'avais jamais eu la chance de voir l'un des long-métrages d'Hayao Miyazaki, et quel triste manquement ce fut pour moi. La bêtise des dessins animés Disney et Pixar, qui d'ailleurs s'accroît d'année en année vers toujours plus de vulgaire, participe de cet affaissement intellectuel de l'occident classique, et ce sentiment est d'autant plus puissant à la vue de ce magnifique dessin animé Le voyage de Chihiro. Non seulement ce magnifique film efface la différence entre l'enfant et l'adulte, puisque contrairement à nos infâmes "films pour enfants", Le voyage de Chihiro possède différents niveaux de lecture, et tire également vers le haut l'enfant qui le regarde, par la poésie, les références culturelles et la maturité de l'oeuvre. L'histoire de cette petite fille, qui déménage avec ses parents dans une nouvelle ville, et qui découvre avec ces derniers un petit chemin mystérieux dans la forêt, est confrontée à la transformation de ses parents en cochon, et à la survie dans un monde des esprits purement japonais ainsi qu'à un garçon dont elle tombe amoureuse, Haku. Le film joue sur les angoisses, la sensation d'étrange, des thèmes mystérieux sans jamais ni tomber dans l'horreur, ni dans la grossièreté et encore moins dans une forme d'adaptation à un quelconque langage de l'enfant, c'est pourquoi Miyazaki est pour moi le meilleur réalisateur de films d'animation au monde.
Le voyage de Chihiro n'est pas seulement à regarder au premier degré, puisqu'il traite des sujets d'un enfant qui passe peu à peu à l'âge adulte. La petite fille découvre la vraie nature de ses parents, ne les idéalise plus, elle découvre le monde du travail, violent et cynique ainsi que la logique du contrat. Chihiro découvre également le sentiment amoureux, et même quelque part la sexualité avec l'esprit glouton masqué qui la suit de manière incessante dans le film, en lui proposant des cadeaux, etc ... Le gros esprit putride peut également être assimilé aux règles de la jeune fille, avec toutes les précautions que je prends pour cette théorie. Yubaba/Zeniba représente également à la fois l'autorité, juste et injuste, la vieillesse et le cycle de la vie. Evidemment, de nombreuses références japonaises nous échappent mais elles nous font voyager dans un univers psychédélique très plaisant, et jamais jamais violent, malgré quelques scènes teintées d'étrangeté. La qualité du dessin est incroyable, bien supérieure, alors même qu'ils ont été réalisés en 2001, à nos prétendus dessins 3D d'aujourd'hui. Miyazaki nous offre, à nous les spectateurs, un véritable voyage poétique, doux et cristallin, qui réveille en nous subrepticement toutes nos vieilles angoisses d'enfant. Un petit chef d'oeuvre!