The left-handed girl fait partie de ses films où l’on ne s’ennuie pas alors même qu’il n’y a pas de ligne directrice claire. La réalisatrice Shih-Ching Tsou, dont c’est le premier film en tant que réalisatrice, maîtrise la rythmique de sa narration et jongle entre le comique et le dramatique. La répartie de ses personnages démontre aussi du contrôle des dialogues et donc de l’écriture. Le plot-twist est particulièrement bien amené, ce qui témoigne d’un scénario réussi et pour cela, le film mérite des prix. Aussi, le montage est l'œuvre de nul autre que Sean Baker. On retrouve la même dynamique que dans Florida Project lorsque la caméra se met à hauteur d’enfant.
The left-handed girl raconte l’histoire de trois femmes: Shu-Fen mère célibataire qui revient à Taipei avec ses deux filles I-Ann, l’aîné, et I-Jing la cadette. La mère va ouvrir un stand de nouilles au marché de nuit (à côté d’un boute-en-train qui vend des produits de nettoyage) et devra gérer sa vie professionnelle, s’occuper de son ex-mari malade et de sa famille haute en couleur. Elle doit prendre soin de sa fille I-Ann, rebelle, morose et toujours en confrontation, qui travaille dans une petite boutique vendant des noix de bétel. I-Jing la petite dernière nous permet de découvrir cet univers coloré à travers son regard naïf. Elle aura un animal de compagnie, aidera sa mère et découvrira la superstition liée au fait d'être gaucher. En parallèle, on suit aussi une intrigue sur la mère de Shu-Fen et ses magouilles. Les interactions avec la mère et les sœurs de Shu-Fen nous permettent de comprendre qu’elle n’a pas le même niveau de vie qu’elles. Malgré son silence, on ressent avec elle le poids des responsabilités, la honte et la détresse. L’actrice est excellente pour faire ressentir toute la nuance de son personnage. En réalité, l’entièreté du casting est excellente, que ce soit l’actrice de I-Ann ou de I-Jing (chapeau pour une actrice aussi jeune) ou encore l’acteur donnant vie à Johnny. Cette performance vient évidemment d’une bonne direction mais aussi de l’attention apportée au développement du caractère de chaque personnage.
Shih-Ching Tsou plonge son spectateur dans un récit authentique sur les difficultés socio-économiques de notre époque dans la capitale de Taiwan. Ce film est un équilibre sur la vie à Taiwan, les traditions, le fait de refouler ses émotions et l’innocence de l’enfance qui cherche à comprendre et aider. Les thèmes abordés sont sombres mais excellemment bien contrebalancés par le comique de situation et les dialogues.
L’écriture est si réussie que le spectateur reste accroché à son siège pendant toute la scène d’anniversaire où sont cumulées toutes les tensions qui finissent par exploser.