Anchorman, c’est comme un énorme gâteau gras et bourratif au-dessus d’une cerise. Car sous la comédie, parfois hilarante, parfois lourdingue, parfois les deux, se cachent un message et une analyse très pertinente.
Après la misogynie dans Anchorman, le film a voulu dénoncer par l’absurde le racisme. Cette démonstration, grasse et insistante (à l’image du repas de famille), manque surtout d’originalité et affaiblit au final le propos.
Mais, j’ai l’impression que cette dénonciation-ci n’est que secondaire, évitant ainsi l’écueil de la répétition. Pour moi, le sens du film se trouve dans la construction de la chaîne GNN (suivez mon regard) et surtout dans la déconstruction de l’information.
Il illustre le passage d’un journalisme traditionnel – illustré par l’interview d’un dignitaire étranger (Yasser Arafat) – à un journalisme sensationnaliste. Le glissement vers le diktat de l’audimat, où l’on ne diffuse plus ce que le public doit voir, mais veut voir. Et cela passe par le patriotisme, le populisme, la politique de l’autruche ou du nombril (au choix) et l’édification du faits-divers en fait majeur (la course-poursuite), annihilant l’analyse au profit de l’instantanée. Sans parler de la synergie, mot polie pour cacher l'auto-censure et la pression économique (à défaut de politique) sur l'orientation de l'information.
Et au final, on se demande qui est le plus caricatural : Ron Burgundy ou les journaux actuels de Fox News ?
Un film qui me donne envie de relire le brulot de Pierre Bourdieu « Sur la télévision ».
« La télévision appelle à la dramatisation, au double sens : elle met
en scène, en images, un événement et elle en exagère l’importance, la
gravité, et le caractère dramatique, tragique. »
Autre citation, mais qui peut donner mal la tête.
« La télévision peut, paradoxalement, cacher en montrant autre chose
que ce qu’il faudrait montrer si on faisait ce que l’on est censé
faire, c’est-à-dire informer ; ou encore en montrant ce qu’il faut
montrer, mais de telle manière qu’on ne le montre pas ou qu’on le rend
insignifiant, ou en le construisant de telle manière qu’il prend un
sens qui ne correspond pas du tout à la réalité. »
Il ne faut pas oublier pour autant le plaisir du rire. Si Will Ferrell m’a moins amusé, j’ai apprécié les instants Steve Carrel, même si je reconnais qu’ils sont trop appuyés.
Sans parler du jouissif combat dans le parc.